Dans le cadre de la célébration du 36e anniversaire du printemps berbère et 14e année du printemps noir, le comité autonome des étudiants du département de langue et culture amazighe de l'université de Bouira a invité, hier, Dr Saïd Khellil, témoin et acteur du mouvement 80, pour animer une conférence sur la chronologie et l'itinéraire du mouvement d'Avril 1980. Saïd Khellil faisait également partie des 24 militants détenus dans la prison de Berrouaghia jusqu'au 26 juin 1980. L'invité de Bouira s'est étalé longuement sur les jours et semaines ayant précédé cette date. L'interdiction d'une conférence de Mouloud Mammeri sur la poésie kabyle ancienne prévue à l'université de Tizi Ouzou a été, selon M. Khellil, un élément déclencheur du mouvement. Les militants de cette époque avaient bravé l'interdit, souligne le conférencier, en tentant de manifester dans les rues et le déclenchement d'un mouvement de grève générale auquel la société civile avait pris part. «Nous avons milité dans la clandestinité. Nous étions accusés de séparatistes et considérés comme une réelle menace à l'unité nationale. Mais nous étions tout simplement conscients de nos droits. Notre souhait était que notre langue maternelle soit utilisée dans la vie quotidienne. Notre combat était un combat d'idées, pacifique», a déclaré Dr Khellil. «La seule chose qui nous confortait dans nos positions et nos idées, à ce moment-là, c'était la solidarité de la population locale qui aidait nos familles quand nous étions en prison», ajoute ce dernier. Ainsi, Saïd Khellil se dit optimiste quant au combat mené par la jeune génération pour que les acquis arrachés par cette génération de militants des années 80 et ceux d'avant, ne partent pas en fumée. Sur l'article 03 bis de la nouvelle Constitution qui contient l'officialisation de la langue amazighe, l'ex-détenu d'Avril 80 souligne que cela n'est guère garanti. «Il faut être éveillé. Il ne faut pas qu'ils nous dupent avec cette histoire d'officialisation de la langue amazighe. Si demain l'Algérie aura un nouveau président, rien ne garantirait que cette langue soit toujours officielle. Parce que plusieurs droits qui sont garantis par la Constitution n'ont jamais été accordés», dit-il. De ce fait, pour valoriser les acquis, Dr Khellil a appelé la nouvelle génération de ne pas baisser les bras et de «continuer à militer pour que l'officialisation de tamazight soit concrète sur le terrain». Saïd Khellil a reconnu que plusieurs erreurs ont été commises durant ces dernières années, notamment la grève du cartable et le caractère du scellé et non négociable de la plate-forme d'El Kseur durant le printemps noir. Il faut souligner aussi que la conférence de Saïd Khellil a été interdite dans un premier temps par l'administration de l'université. Il a fallu des heures de négociations pour avoir l'autorisation.