Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.
Farid Yaïci, professeur d'université en économie, au Temps d'Algérie : «L'avenir de notre économie est tributaire de réformes structurelles drastiques»
Dans cet entretien, le professeur Farid Yaïci revient sur plusieurs questions liées à l'actualité économique, notamment le nouveau bilan du ministère des Finances sur la situation budgétaire de l'Etat. Il évoque aussi l'emprunt obligataire national et la bancarisation ainsi que l'ouverture du capital des entreprises publiques. Le Temps d'Algérie : Selon les données du ministère des Finances, le déficit budgétaire s'est creusé durant les deux premiers mois de 2016 pour atteindre 1404 mds DA. Quelles sont, selon vous, les causes et les conséquences ? Farid Yaïci : A mon avis, les conséquences de ce déficit sont claires, à savoir la hausse des dépenses et la baisse des recettes fiscales. Ce déficit était prévisible parce que jusqu'à présent la fiscalité pétrolière n'arrivait pas à combler les fortes dépenses de l'Etat, et ce, au moment où les prix du pétrole ne cessent de baisser. Lorsque les prix de l'or noir ont chuté, l'Etat devait prendre des précautions en réduisant ses dépenses. L'augmentation des dépenses budgétaires à 70% par rapport à la même période de l'année 2015 est vraiment illogique et anormale. Le pouvoir d'achat baissera en conséquence, car les prix du transport et de l'électricité, ainsi que les produits de large consommation ont connu et vont connaître une hausse importante. Cela se traduit par l'augmentation de l'inflation qui a déjà atteint 4,85% au cours du premier trimestre 2016. L'Algérie est-elle en état de préfaillite financière ? Dans le contexte actuel, on ne peut pas dire que le pays est en faillite. Durant les années précédentes, l'Algérie a réellement connu une aisance financière. Les réserves de change et les dotations du Fonds de régulation des recettes sont toujours importantes, en dépit de la diminution de leurs niveaux enregistrée depuis juin 2015, conséquence du financement de nos besoins. L'avenir de notre économie est tributaire, cependant, des réformes structurelles drastiques devant conduire à une transformation profonde. La première réforme devrait concerner le climat d'affaires. Pour cela, il faudrait un véritable choc de simplification des procédures, des délais et des coûts de création et de pérennisation d'entreprises, notamment les petites et moyennes entreprises. La seconde réforme devrait concerner le rôle de l'Etat qui ne doit plus s'immiscer dans le champ économique, en dehors de secteurs stratégiques, et se cantonner dans un emploi de stratège et une fonction de régulateur. La troisième réforme concernerait le système d'éducation et de formation qui devrait être en adéquation avec les besoins de la société en général et des entreprises en particulier. L'Etat a lancé récemment deux opérations de financement, à savoir la bancarisation et l'emprunt obligataire. Beaucoup d'experts et d'universitaires prévoient leur échec. Qu'en pensez-vous ? L'emprunt obligataire qui vient d'être lancé par l'Etat souffre, à mon avis, de deux principales lacunes. La première a trait à l'objectif de l'emprunt. En dehors de l'annonce qui a été faite précisant qu'il servira à financer le développement économique, les Algériens n'ont pas d'autres informations. La seconde lacune est plutôt un écueil lié à l'inflation, qui a déjà atteint 4,85% au cours du premier trimestre 2016, et qui devrait augmenter à l'approche d'une succession d'évènements attachés au Ramadhan (Aïd El Fitr, vacances d'été, rentrée scolaire et universitaire et Aïd El Kebir). Cette perspective devrait décourager les citoyens vis-à-vis de ce produit financier. C'est déjà le cas si l'on se fie aux déclarations de banquiers qui attestent d'une faible souscription de citoyens. Que pensez-vous de l'ouverture du capital des entreprises publiques au privé ? L'ouverture du capital des entreprises publiques au secteur privé pourrait induire au moins deux conséquences. D'une part, cela permettrait aux entreprises publiques, dont la recherche de profit n'est pas aujourd'hui leur premier objectif, d'être fortifiées grâce à l'apport de l'argent frais mais aussi et surtout en raison de l'introduction d'un management basé sur le résultat. D'autre part, cela permettrait à l'Etat de renflouer ses caisses grâce au produit de la vente d'actifs d'entreprises publiques. Il faudrait cependant que, pour des considérations de transparence, l'ouverture du capital se fasse par le biais du marché financier qui, à son tour, devrait profiter de l'opération pour se dynamiser. Que pensez-vous de la réforme bancaire et financière ? La réforme bancaire et financière n'est pas encore achevée. Elle a débuté en 1990 avec la promulgation de la loi relative à la monnaie et au crédit qui avait donné l'autonomie à la banque centrale et la commercialité aux banques. Un certain nombre de règlements et d'instructions de la Banque d'Algérie sont venus ensuite préciser les dispositions de cette loi. Enfin, deux amendements, promulgués en 2001 et en 2003, sont venus relativiser l'autonomie de la Banque centrale tout en renforçant le dispositif prudentiel des banques. D'une manière générale, les réformes dites de première génération, résumées plus haut en deux volets, ont été accomplies. Mais les réformes dites de seconde génération visant, entre autres, à moderniser le système financier en général et les banques en particulier n'ont pas été achevées. En outre, le marché financier qui a pourtant été créé depuis 1993 est resté au stade embryonnaire. Entretien réalisé par