La transhumance, migration périodique des familles d'éleveurs avec leurs troupeaux d'une zone de parcours à une autre qui rythmait jusqu'au dernier siècle la vie des populations, s'est considérablement limitée à travers les steppes du Hodna. Pour ceux qui s'en souviennent encore à M'sila, ce mode de vie sociale était indissociable du triptyque tente, cheval ou dromadaire et sloughi (lévrier arabe). Mode de vie aux origines historiques lointaines, la transhumance a vécu dans la poésie populaire à travers des poèmes immortels dont celui de Mohamed Seghir Benguitone qui, dans sa qacida lyrique Hizia, évoque le moment où les siens ont dressé leur camp près de M'doukal, dans la wilaya de Batna) : Fi Oum Doukal, hatina errehal (A Oum Doukal, on a dressé les tentes). De mémoire d'habitants de la région du Hodna, il fallait deux semaines de marche aux caravanes de nomades pour aller des steppes aux zones telliennes. Avant la grande marche caravanière, les hommes de la tribu partaient en éclaireurs pour assurer la location des chaumes puis retourner pour y ramener leurs troupeaux et familles. Ce mouvement transhumant permettait surtout, assure-t-on, de renforcer les rapports sociaux entre les populations de la steppe et du Tell au point que des clans de certaines tribus steppiques ont fini par s'installer dans des localités telliennes du centre et de l'est du pays. Ils étaient près de 60 000 à transhumer durant le printemps et l'été vers le Tell, avant de retourner l'automne et l'hiver à la steppe, confie Makdoud Noureddine, un des plus anciens cadres de l'exécutif de la wilaya. Les divers programmes de développement de logements et d'équipements publics, notamment la réalisation d'écoles dans les localités steppiques, ont fini par conduire leurs populations à s'établir et à renoncer à leurs traditionnels déplacements saisonniers, mettant ainsi un terme à une pratique sociale spécifique de la steppe. La sédentarisation de la population a engendré également un chamboulement dans le monde de l'élevage de la région du Hodna. Les techniciens du Haut-commissariat pour le développement des steppes affirmaient que la transhumance d'une zone à une autre permettait autrefois aux parcours quittés de se régénérer, mais la fixation des éleveurs sur les mêmes espaces a entraîné aujourd'hui le phénomène de sur-pacage qui empêche la régénération, notamment avec la sécheresse prolongée de ces dernières années, estiment les mêmes techniciens. L'abandon de la transhumance et la sédentarisation des pasteurs ont eu pour conséquence la hausse de la demande des aliments de bétail. Ce nouveau mode d'élevage a considérablement réduit la mobilité des troupeaux et des gens dans la grande région du Hodna, redoutant l'accentuation de cette tendance au point de réduire la pratique des élevages aux seuls enclos.