Les participants à un hommage au poète algérien Jean Sénac, organisé mardi à Alger, ont été unanimes à qualifier son œuvre d'«essentielle» dans l'histoire de la poésie algérienne contemporaine. Poètes, traducteurs et lecteurs de Jean Sénac ont évoqué, à l'occasion de la rencontre hebdomadaire «Rendez-vous avec la poésie», l'«algérianité profonde» de ses textes les plus engagés – pour l'indépendance puis pour l'édification de l'Algérie –, tout en soulignant la «modernité» et l'«actualité» de ses poèmes. Evoquant sa découverte de la poésie de Sénac dont il publié une traduction en arabe de morceaux choisis dans les années 2000, Mohamed Boutaghene a parlé de son «étonnement» de découvrir qu'un poète qu'il croyait «français» avait «glorifié l'Algérie et ses révolutionnaires plus qu'aucun autre poète algérien». «J'ai découvert un poète qui – me disait en tant qu'Algérien – dans toute ma diversité (linguistique, sociale,...)», a estimé ce traducteur en se référant à l'influence des cultures populaires algériennes sur la poésie de Sénac. Le jeune poète et journaliste, Salah Badis, a pour sa part souligné que dans de nombreux poèmes, les plus tardifs en particulier, Sénac «s'adressait aux génération futures», y décelant un «enthousiasme» et un «espoir» dans l'avenir de l'Algérie, conservés par le poète dans ces poèmes très sombres et malgré les conditions matérielles précaires dans lesquelles il vivait peu avant sa mort. La journaliste et libraire Nacéra Saâdi a déploré, quant à elle, que l'œuvre «essentielle» de Sénac ait été réduite «à l'homosexualité du poète et à son fameux vers ‘‘Je t'aime/Tu es forte comme un comité de gestion''», relevant, par ailleurs, l'indisponibilité de ses recueils en Algérie. Présente à cet hommage, la moudjahida Annie Steiner a salué «le courage» d'un homme qui a «toujours été fidèle à son amour de l'Algérie», en évoquant la publication en 1957 en France du pamphlet Le soleil sous les armes dans lequel il prenait fait et cause pour l'indépendance de l'Algérie. Né à Béni Saf (Oranie) en 1926 d'une mère espagnole et d'un père inconnu, Jean Sénac est l'auteur d'une œuvre poétique riche dans laquelle il a exalté l'amour et la Révolution. Ami de René Char et d'Albert Camus, avec lequel il a rompu à cause de ses positions politiques durant la guerre de Libération, Sénac a activement milité pour l'indépendance de l'Algérie et la promotion d'un art et d'une littérature spécifiquement algériens. Citoyens de beauté (1967), Avant-corps (1968), Dérisions et vertige (1983, posthume), figurent parmi ses principaux recueils qui ont été réunis en un seul volume en 1999 sous la direction de l'universitaire algérien et spécialiste de Sénac, Hamid Nacer-Khodja. Jean Sénac a été assassiné le 30 août 1973 à Alger.