On assiste ces derniers jours, et particulièrement depuis le début du mois, à une véritable déferlante humaine depuis le littoral annabi vers les côtes italiennes, notamment la Sardaigne. Après que les gardes-côtes mobilisés en permanence aient réussi à déjouer samedi matin une tentative d'émigration clandestine de 39 jeunes issus de différentes wilayas du pays, deux autres embarcations transportant 54 harraga ont été interceptées hier au large de Annaba. La première avait à son bord 23 personnes âgées de 17 à 33 ans et a été arraisonnée à 03h20 à environ 2 milles au nord de Ras El Hamra, tandis que la seconde transportait 31 candidats qui ont été sauvés in extremis d'une mort certaine dans l'après-midi à 45 milles au nord de Annaba. Le moteur de leur embarcation est en effet tombé en panne et une voie d'eau commençait à faire chavirer dangereusement le bateau au moment où ils ont été rejoints par les gardes-côtes. S'agissant de la première équipée, nous apprenons que le parquet qui a entendu les 23 harraga, après la visite médicale de routine, a prononcé la mise sous mandat de dépôt de trois d'entre eux pour refus d'obtempérer et outrage aux gardes-côtes. La multiplication des tentatives d'émigration par les jeunes des quartiers populeux de la ville de Annaba et des autre wilayas inquiète au plus haut point les autorités locales. Et les 200 arrestations opérées depuis le début du mois par les gardes-côtes de la façade maritime est ne sont pas faites pour rassurer. L'heure est grave et il y a péril en la demeure, d'autant plus que l'on affirme ici et là que des dizaines, voire des centaines de harraga ont réussi à tromper la vigilance des gardes-côtes et à rejoindre l'autre rive de la Méditerranée. Selon des témoignages recueillis auprès des habitants des cités périphériques de la ville de Annaba, les conditions météorologiques favorables qui ont prévalu ces dernières semaines et les bas tarifs appliqués par les passeurs auraient incité un grand nombre à «se jeter à l'eau» avec des moyens dérisoires. De sources officielles, nous apprenons qu'au moins six tentatives d'émigration clandestine ont pu être avortées entre mai et hier au niveau des plages et des récifs de oued Boqrat, Chetaïbi et Sidi Salem par les éléments des brigades mobiles de la gendarmerie et de la sûreté nationales, partie prenante dans la lutte contre ce phénomène. Ces mêmes services ont réussi à démanteler un atelier clandestin de fabrication de barques de la mort dissimulé à Sidi Salem. La détermination des jeunes à quitter le pays coûte que coûte n'a pas été infléchie par les nombreuses interceptions effectuées par les autorités maritimes mobilisées 24h/24.Les chiffres communiqués par l'ambassadeur d'Italie à Alger, Gianpaolo Cantini, lors d'une visite à Annaba en 2008, ne prêtent pas à équivoque. Ils confirment au contraire que le phénomène prend des proportions alarmantes. M. Cantini a expressément déclaré que 1500 clandestins d'Algérie ont transité par les services de l'immigration italiens rien que pour 2007. Le diplomate a par ailleurs affirmé que des réseaux mafieux agissant tant en Algérie que de l'autre côté de la Méditerranée prennent en charge les jeunes désespérés et les utilisent dans des activités douteuses dès leur arrivée en Italie. Devant cette situation, le gouvernement a opté pour le durcissement des peines a l'encontre des passeurs et des harraga en proposant un projet de loi contenant des mesures sévères contre ces derniers. Cet avant-projet de loi, qui vient amender le code pénal du 8 juin 1966, criminalise l'émigration clandestine et le trafic des personnes entre autres. Pourtant, malgré le risque d'emprisonnement qu'ils encourent et la médiatisation des procès qui ont eu lieu à Annaba suite à des interceptions de certains d'entre eux au large des côtes algériennes, les harraga continuent de braver les interdits dans l'indifférence de la majorité des citoyens.