68% des employés pensent qu'ils sont mal rémunérés. 67% disent ne pas partager de bonnes relations avec leurs supérieurs, alors que près de 60% estiment que leur environnement de travail est défavorable, révèle une étude d'opinion réalisée par l'EPSP de Bouzaréah. La santé et la qualité de vie dans le milieu professionnel ont fait l'objet, hier, à la Bibliothèque national El Hamma, Alger, d'une journée d'étude scientifique, une première du genre en Algérie, organisée par Sab Solution, cabinet algérien de conseil en management, spécialisé dans l'évaluation et le développement des compétences dans la psychologie du travail et des organisations, en partenariat avec la wilaya d'Alger. Un riche programme a été concocté pour faire le point sur cette problématique d'actualité. «Les mauvaises conditions de travail dans l'entreprise impactent lourdement la santé des employés. Elles peuvent conduire à de multiples formes de dépression, de maladies voire de suicide», ont prévenu des spécialistes et experts de la gestion de la ressource humaine. Le poids du stress Le professeur Tabti, chef de service en psychiatrie à l'EHS de Chéraga, s'est montré très préoccupé par les conditions dans lesquelles évoluent les employés aussi bien du secteur privé que public. «Le stress au travail est devenu un phénomène qui touche de larges catégories d'employés du secteur privé ou public. Les travailleurs doivent affronter, dès les premières heures de la matinée, plusieurs sources d'angoisse et de stress, à commencer par les difficultés de transport, les conditions de travail, les pressions des employeurs, le mode de vie ainsi que la situation familiale», a-t-il affirmé, en ajoutant que «ces causes donnent naissance à un bilan de santé mentale et physique très dégradé et peuvent même conduire au suicide». Placée sous le thème de «La croissance économique et la santé humaine», cette première journée scientifique a vu la participation de plusieurs spécialistes provenant de divers secteurs ; la santé, le travail et de la recherche scientifique. Tirant la sonnette d'alarme, Dr Farida Ilès, directrice de l'Institut de prévention des risques professionnels, a estimé que «le suicide causé par différentes formes de pression et de stress dans le milieu du travail, est une réalité à prendre très au sérieux». Ce phénomène, très répandu à l'étranger, commence à toucher notre pays, jusqu'ici épargné. Pour preuve, Mme Ilès, lors de son intervention, a indiqué qu'«il y a deux compagnies étrangères, établies en Algérie, qui ont sollicité l'institut pour une étude sur la gestion des ressources humaines, suite à des cas de suicide qui ont alerté les travailleurs», a-t-elle affirmé. Les différents intervenants ont soutenu que les spécialistes dans l'évaluation et le développement des compétences, dans la psychologie du travail et des organisations, doivent intervenir pour améliorer la santé et la qualité de vie au travail.
L'homme d'abord... En l'absence d'une véritable et efficace sensibilisation dans le milieu entrepreneurial, les chefs d'entreprise ignorent souvent que la qualité de vie des employés agit profondément sur la prospérité ou non de leurs entreprises. «L'Etat des caisses dépend étroitement de l'état des employés», résume si bien Nezha Sobti qui siège à l'APW d'Alger. Cette dernière a relevé, lors de sa communication, que «les chefs d'entreprise, les dirigeants et les pouvoirs publics doivent impérativement intégrer la notion du ‘bonheur au travail' dans l'entreprise», ceci, ajoute-t-elle, passe souvent par des moyens simples : «Une communication performante, des salles de détente, la propreté, la fluidité de l'information, l'implication des employés dans la prise de décision, etc.» Le même constat est partagé par Meriem Ouyahia, chef de cellule Centre de communication à l'Office national de l'assainissement. Intervenant sur le thème : «Communication interne : levier du bonheur au travail», elle a mis l'accent sur l'impératif symbolique mais aussi stratégique de la communication qui demeure un vecteur par excellence du bien-être dans le milieu professionnel. «La communication, lorsqu'elle est fluide et efficace, permet l'harmonisation du travail. Pour ce faire, il faut moins hiérarchiser le travail dans l'entreprise tout en favorisant des moyens de communication sur lesquels tous les employés peuvent intervenir. A cela, il faut ajouter l'écoute qui doit être le credo des chefs d'entreprise.» Pour sa part, le Dr Abdellatif, EPSP de Bouzaréah, s'est attardée, lors de sa communication, sur le rôle primordial de la formation qui fait grandement défaut dans l'entreprise algérienne. S'appuyant sur une étude d'opinion réalisée dans les entreprises conventionnées avec l'EPSP de Bouzaréah, l'intervenante a estimé que les résultats de cette étude sont sans appel ! «68% des personnes interrogées pensent qu'ils sont mal rémunérés. 67% disent ne pas partager de bonnes relations avec leurs supérieurs alors que près de 60% estiment que leur environnement de travail est défavorable». Le Dr Abdellatif a appelé à ce que les méthodes suivies jusqu'ici dans les entreprises soient revues. «Il faut placer l'homme au cœur de l'entreprise et mieux accompagner les salariés, mieux les écouter. La prospérité de l'entreprise passe par une bonne prise en charge de la santé physique et mentale des employés», a-t-elle conclu.