La volonté de diversification économique déclinée par les autorités publiques depuis la chute des prix du pétrole demeure insuffisante et presque irréalisable. L'expert Mouloud Hedir a fourni hier des données et des explications qui abattent toute la «rhétorique» du gouvernement. Intervenant lors d'une conférence-débat, organisée hier par le Cercle d'action et de réflexion autour de l'entreprise (Care), Mouloud Hedir a présenté une étude où il a démontré que la politique de diversification prônée par le gouvernement intervient tardivement. Il citera à ce propos l'exemple des pays, pourtant membres de l'Opep, qui ont pu réduire leur dépendance des cours pétroliers, alors qu'ils pouvaient compter sur cette manne. Il s'agit, entre autres, des Emirats arabes unis, de l'Arabie saoudite et de l'Iran qui ont relevé ce défi en augmentant la part des exportations hors hydrocarbures. Ces pays ont vu leur dépendance du marché pétrolier réduite de manière significative depuis 1980. A titre d'illustration, les Emirats arabes unis dépendent aujourd'hui des recettes pétrolières à hauteur de 31%, alors qu'en 1980, leurs exportations étaient beaucoup basées sur le pétrole (88,3%). L'Iran, pourtant frappé par des sanctions et des actions d'embargo, a réussi à faire baisser le poids des exportations pétrolières à 62% de sa structure de commerce extérieur durant ces trente dernières années. Mais, l'Algérie n'a pas pu s'affranchir de cette situation de dépendance des exportations pétrolières qui représentent à ce jour plus de 97% de son commerce international. Pour l'invité du Care, il faudrait en finir avec le concept infantile du «prix du baril qui équilibre notre budget et nos comptes extérieurs». Selon lui, ce ne sont pas «les performances à l'exportation du secteur pétrolier et gazier qui doivent inquiéter, mais celles de tous les autres secteurs de l'économie». «La diversification de l'économie algérienne ne se fera pas en dehors d'une révision profonde de son mode d'insertion à l'économie mondiale», tient-il à souligner. «Les problèmes d'organisation de l'économie algérienne sont une part de la relation au monde. La politique économique extérieure a besoin de stabilité et de cohérence», a-t-il encore appuyé. Il dira que le retard de l'Algérie en termes de diversification des exportations est très clair. Pour preuve, la valeur de l'exportation agroalimentaire, pour ne citer qu'elle, était de 110 millions de dollars en 1995 et de 326 millions en 2014. Le Maroc est largement supérieur en réalisant 4,663 milliards de dollars en 2014 et la Tunisie exporte pour 1,688 milliards de dollars. Une situation qui nécessite, selon lui, un plan de relance tant que les recettes des hydrocarbures sont actuellement en baisse. Mouloud Hedir a insisté à ce propos sur l'urgence d'une nouvelle organisation interne de l'économie nationale, qui demeure aujourd'hui inefficiente. Il a estimé que dans une économie ouverte, ce ne sont pas seulement les entreprises qui «doivent être performantes et soutenir la concurrence face à l'extérieur, mais également le système de régulation dans son ensemble». Il a expliqué que de nombreux aspects manquent à la chaîne de son développement. Ce sont, dit-il, les performances des secteurs de services (banques, transports, communications). Les surcoûts de la chaîne des transports (maritime et logistique portuaire) doivent être corrigés, a-t-il recommandé. Celles-ci impactent, a-t-il clarifié, directement la performance des entreprises face à leurs concurrents étrangers. Subventionner la production Autre point nodal évoqué par l'intervenant, la question de la subvention de l'Etat des produits de large consommation. L'invité du Care est catégorique : «Les subventions du consommateur ne rajoutent que de l'argent pour les importateurs». Il estime que c'est plutôt le producteur local qui doit être subventionné. «Non seulement cela va l'aider dans sa production, mais c'est pour mieux lutter contre les détournements des subventions. Ceux-ci sont devenus désormais un sport national», a-t-il relevé. Enfin, le statut de l'Algérie d'Etat non membre de l'OMC est également un obstacle «sérieux à toute politique d'intégration économique y compris vis-à-vis du Maghreb et de l'Afrique», a-t-il précisé. Ce qui l'amène à dire que la diversification économique est inséparable d'une conduite à bonne fin des négociations d'accession à l'OMC. Reste ensuite le dilemme du comment refuser aux partenaires africains, en général, et maghrébins, en particulier, le bénéfice d'un régime commercial favorable qui a déjà été consenti à la première puissance économique mondiale, à savoir les Etats-Unis.