La régression de l'Algérie de 9 places dans le classement du Doing Business pour tomber à 163e place sur 189 pays a assombri la semaine. Le gouvernement a pourtant fait de ce classement mondial du climat des affaires une vraie priorité. Il s'était fixé, il y a deux ans, l'objectif discret, avec le FCE comme partenaire, de ramener l'Algérie dans le top 100 des meilleurs pays où il fait bon entreprendre. En 2008, l'Algérie, à la 115e place, n'en était pas loin. Elle était même, d'un rang, mieux classée que le Maroc. Qui pointe, lui, à la 75e place dans le classement 2016. Que s'est il donc passé ? Le climat des affaires ne s'est pas nécessairement détérioré en Algérie depuis que le gouvernement a décidé de l'améliorer, il y a deux ans. Des mesures de facilitation dans les délais de transactions ont été introduites. Ce qui est arrivé procède du différentiel de mouvement. Les autres pays, dans la zone de classement de l'Algérie, ont fait plus et plus vite. Conséquence : l'Algérie a, par le jeu de la vitesse relative, régressé dans l'absolu. Le rapport de l'unité Doing Business sur les réformes dans la région MENA (Moyen-Orient – Afrique du Nord) montre que 9 pays de la région ont conduit les actions qui ont permis l'amélioration de leurs actions : le Maroc, Bahrein, les Emirats arabes unis ou encore l'Iran font partie de ses pays dont la vitesse de la réforme – dans ce cas pour améliorer les 10 critères du Doing Business – est très supérieure à celle de l'Algérie. La publication du classement Doing Business 2016 révèle la relation du gouvernement algérien au temps. Elle est dilettante. Au sens ou elle s'octroie un espace de manœuvre plus large que celui que permet le mouvement du temps. Face à un déficit budgétaire prévisionnel d'environ 11% du PIB en 2015, après un déficit de 7% en 2014, le gouvernement réagit comme pour le Doing Business. En vitesse relative négative. C'est-à-dire plus lentement – et dans la mauvaise direction ajoutent certains spécialistes – que la vitesse de la contrainte. Le Fonds de régulation des recettes (FRR) sera épuisé au premier semestre 2017, les réserves de change disparaîtront en 2020. La gouvernance actuelle de l'économie algérienne n'avait pas le sens de la stratégie en laissant filer la dépendance à la fiscalité pétrolière durant dix années. Aujourd'hui, elle montre qu'elle n'a pas non plus le sens de l'urgence. 15,2 milliards de dollars sont prévus au budget de l'état pour 2016 au titre du soutien à la consommation domestique d'énergie. Le virage de la transition énergétique n'a pas débuté. Ce n'est pas la hausse prévisionnelle de 3 DA pour l'essence et de 4 DA pour le diesel, au 1er janvier 2016, qui change le modèle de base. La hausse de la consommation énergétique domestique algérienne est l'une des plus élevée du monde. 18% en 2014 pour l'électricité. Abdelmadjid Attar, ancien PDG de Sonatrach et ex-ministre des ressources en Eau, est intervenu dimanche dans un panel organisé par Nabni à l'occasion de la publication du texte définitif du plan d'urgence ABDA. Il a rappelé que même avec un prix du baril de retour à plus de 100 dollars, l'Algérie cessera sans doute d'être un exportateur net d'énergie carboné dans les 15 prochaines années. D'autant que la demande mondiale, notamment celle en provenance des marchés de débouchés traditionnels de l'Algérie, va continuer de baisser. L'Europe s'est émancipée d'un tiers de sa consommation d'hydrocarbures sur les dix dernières années. Le mouvement va se poursuivre malgré la baisse du prix du pétrole, qui le rend à nouveau compétitif face au renouvelable. Parce que la planète se réchauffe. Et la COP21 prévue à la fin de l'année va traquer plus fortement les émanations qui altèrent le climat. La production d'hydrocarbures en est la principale. Le maintien de cette gigantesque subvention des prix énergétiques internes pour 2016 est le premier signal de la possibilité du statu quo. Le pays est bétonné par la subvention. Il coulera sans doute sous son poids. Ou pas. Pour Mouloud Hedir, consultant spécialiste des politiques publiques, face au contrechoc pétrolier actuel, le scénario d'avenir est connu. Il existe dans le passé. «Rien ne va vraiment bouger tant qu'il y aura du gras dans le budget.» Après, tout s'ajustera d'un coup. Brutalement. Le prix du carburant va passer d'un coup à 200 DA, celui du pain à 50 DA, celui du lait à 150 DA, etc. C'est quasiment arrivé ainsi à la fin des années 1980. Le pilotage économique algérien ne serait donc pas en mesure d'éviter une répétition du crash de 1988-1990. Mouloud Hedir intervenait également comme expert au panel de Nabni sur le plan d'urgence. Il commentait un aspect-clé de la réponse. La capacité de l'expertise et du management gouvernemental à engager les réformes nécessaires. Un des consensus les plus forts entre les experts algériens est là. L'état de la gouvernance est tel qu'il n'est pas en mesure d'agir, de réaliser, de délivrer. «Tant qu'il s'agissait de dépenser, un gouvernement de walis connaissait les procédures», rappelle un autre commentateur de la conjoncture. Maintenant qu'il faut inventer des process nouveaux de création de richesse, la configuration des ressources est obsolète. D'où le retour en force de l'idée d'une «delivery unit», cette structure de mission chargée de faire aboutir des mesures que les gouvernements ont choisi de prioriser. Les ministères travaillent chacun dans son coin. Sans évaluation des procès, sans suivi des retombées des actions sur le citoyen, sans mesures de leur efficacité. Face à la fin du modèle rentier algérien, la «delivery unit» est-elle une solution palliative au gouvernement légitime démocratiquement ? La Malaisie de l'autoritaire Mohamed Mahatir l'a réalisé avec succès. Pour des résultats spectaculaires. Mahatir était devenu légitime par les progrès économiques et sociaux que son action publique a durablement apporté. Pas par le maintien de la subvention gaspilleuse jusqu'à extinction brutale des droits.