Louée à des particuliers, la plage de Douaouda marine se mérite moyennant un droit de parking de 50 DA et la location d'un parasol et de 4 chaises pour 400 DA. Trop cher pour certains, convenable pour d'autres, la plage n'en continue pas moins d'attirer les vacanciers prêts à payer le prix fort pour échapper à la fournaise des villes de l'intérieur. La plage Colonel Abbès de Douaouda marine est un échantillon assez représentatif des plages algériennes. S'étalant sur près de 1500 m, elle attire chaque été des milliers d'estivants qui viennent pour la plupart des wilayas de Blida et de Médéa. La propreté des lieux est jugée acceptable par les baigneurs qui s'y rendent souvent en fin de semaine pour s'y détendre le temps d'une journée. Mais, à y voir de prêt, bien des questions taraudent l'esprit des visiteurs dont bon nombre estime s'y faire plumer. Sans raison. Ces questions ne trouvent d'ailleurs pas de réponse chez les différents acteurs et intervenants censés gérer les lieux. Notre première escale : la portion de plage située à proximité du centre de repos familial de l'ANP de Douaouda marine. Ce village côtier est un véritable eldorado pour les vendeurs de crèmes glacées, les restaurateurs qui proposent toutes sortes de viandes grillées, les marchands de jouets et, curiosité à noter, des poissons rouges dans des sachets en plastique transparent. II faut une trentaine de minutes pour rejoindre cette petite contrée située aux limites des wilayas d'Alger et de Tipaza. Accompagné de Noureddine, un natif du village, plus connu sous le nom de «Dziri» (l'Algérois), nous nous dirigeons vers la plage. A l'entrée, une armoire à glace nous barre la route. II nous toise avec arrogance et lance, l'air méprisant : «C'est 50 DA les droits de parking !» Sans même attendre notre réaction, il détache un ticket et nous le tend, exigeant même la monnaie. «C'est un parking privé, répète le gardien qui attend avec impatience son dû. Nous l'en dissuadons, lui expliquant que nous sommes des journalistes en reportage. Nous exhibons nos cartes professionnelles, juste pour voir sa réaction. Revenu à de meilleurs sentiments, il nous cède le passage, nous souhaitant la bienvenue en prime. Nous apercevons un homme qui sort de sa boutique en maugréant contre les pigeons qui picoraient sur «son» trottoir et qu'il tente de chasser à coups de pied. Une délicieuse odeur de café nous titille les narines, chassant les gaz d'échappement des voitures. Des coups de marteau résonnent derrière une bâche. Silence, on érige un magasin de fortune ! Pas un seul nuage dans le ciel, la chaleur et le soleil étaient au rendez-vous. La plage affiche déjà complet en cette journée. Des parasols sont plantés partout, dressant un rempart entre la route et la mer. Des tables sont dressées le long de la plage. Des bouts de verre sont démasqués par les rayons de soleil qui les reflètent. Mais la pire image est celle du béton qui continue à ronger la plage qui se rétrécit d'année en année. La location des... plages Première découverte, la plage a été louée à des particuliers ! Nous demandons à un jeune homme adossé à un poteau électrique si cette plage est une propriété privée. Sa réponse est confuse : «Non, je ne pense pas, mais enfin, allez voir ce jeune homme à béquilles.» Il s'avère que le jeune handicapé en est effectivement le «propriétaire». Après une brève présentation, Rafik nous ouvre son cœur : «Je suis originaire de Douaouda, «chriki», et cette plage, je l'ai obtenue via des enchères publiques qui se sont déroulées au niveau de l'APC», nous explique-t-il. Bizarre ! Aucun texte de loi ne permet pourtant pareille transaction. Notre interlocuteur poursuit ses explications, indiquant que les enchères ont commencé à 15 millions de centimes. «Nous avons renchéri de 100 000 DA pour ne pas laisser des étrangers à la région la prendre. Vous savez, les jeunes de Douaouda n'ont que l'été pour travailler, et le reste de l'année, ils se roulent les pouces», nous dit-il. Pour information, Rafik emploie environ 15 jeunes qui s'occupent du nettoyage et autres tâches quotidiennes. Rafik poursuit : «Cette opération nous a coûté la bagatelle de 38 millions de centimes, vu les autres taxes dont il fallait s'acquitter et les dépenses qu'a nécessité le nettoyage de la plage». II nous apprend aussi que la plage a été louée pour une durée de 3 mois, c'est-à-dire le temps d'une saison estivale. A ce propos, il estime que le coût de la location est exorbitant, cette année en particulier, puisqu'il sera obligé d'arrêter toutes ses activités le 20 août, premier jour du Ramadhan. «On ne peut pas reprendre après le 20 septembre, c'est la rentrée scolaire.» De l'avis de beaucoup d'estivants, «l'organisation de la plage est quasi-parfaite». Certains ont expliqué qu'ils viennent ici sans avoir à déplacer leurs chaises et parasols. Les plagistes, avouent-ils, «font du bon travail et rendent vraiment service aux vacanciers». Un jeune homme en compagnie de plusieurs de ses amis nous confie : «Je viens ici chaque été et je dois dire que ces jeunes (les plagistes) font un très bon travail. 400 DA la table et quatre chaises en plus du parasol, de la propreté et de la sécurité, je suis vraiment satisfait». La situation du tourisme reste précaire en Algérie, cette plage est la preuve vivante. Selon des habitants rencontrés sur place, «la plage serait convoitée par des Emiratis qui veulent en faire un site touristique loin, même très loin des petites bourses qui, dans peu de temps, ne verront cette beauté que de leurs yeux sans pouvoir toucher l'eau salée. Très salée. Avant de quitter ce lieu, Rafik et ses camarades nous ont promis de prendre soin de la plage mais surtout des clients, et nous invitent à faire un tour en haute saison pour le constater.