Larbaâ Nath Irathen s'est réveillée hier matin comme groggy après une nuit rouge. Cette localité de Haute-Kabylie a vécu des moments de grande tension. Aux alentours de l'ex-brigade de la gendarmerie détruite après les sanglants événements du printemps noir de 2001, demeuraient les stigmates qui renseignent sur la violence qui a émaillé cette paisible ville que l'on ne peut atteindre qu'après avoir serpenté des «chemins qui montent». Même si les émeutes n'ont duré que quelques heures, elles ont été d'une rare violence, comme l'attestent certaines sources qui avancent le nombre d'au moins quinze éléments des services de l'ordre (police) blessés. C'est dire que c'est comme si toute la région est sur une poudrière. Il suffit d'un événement pour que la situation vire à l'affrontement et à l'émeute. Ce devait être une nuit ramadhanesque comme toutes les autres. Mais la paisible ville s'est vite transformée en une grande arène où se sont affrontés, des heures durant, des jeunes et les forces antiémeutes. Tout a commencé lorsqu'un groupe de militants et sympathisants du Mouvement pour l'autonomie de la Kabylie (MAK) a été interpellé par des policiers en civil à proximité de la placette où sont organisés chaque soir des galas artistiques pour animer les nuits de Ramadhan. Ces jeunes autonomistes ayant déployé des drapeaux à l'effigie de l'Aza amazigh (dite aussi croix berbère) et qui voulaient profiter de la forte présence de citoyens pour prendre la parole afin de commémorer l'historique marche du 14 juin 2001 organisée par la coordination des arouchs. Cette interpellation a donc mis le feu aux poudres. Ensuite, toujours selon les mêmes témoignages recueillis, les militants du Mak avaient décidé de tenir leur meeting à proximité de l'ex-brigade de la gendarmerie. Entre-temps, des renforts de police et des forces antiémeutes ont été déployés. Ce qui a laissé place à l'affrontement. C'est dire que les deux parties voulaient en découdre. Ça sentait presque le souffre, ironise-t-on. Vite, la tension est montée d'un cran et les sympathisants du Mak appuyés par d'autres citoyens ont été pris en sandwich. C'est alors que l'affrontement devint inévitable et le décor des émeutes est vite planté. Même s'ils étaient à armes, de loin inégales, les deux parties ont continué à en découdre. Les policiers arrosaient les manifestants de bombes lacrymogènes et ces derniers ripostaient à l'aide de pierres et autres objets. Les violences ont fait plusieurs blessés de part et d'autre et le calme n'est revenu qu'après l'annonce de la libération des jeunes interpellés par les policiers vers 2 heures. Hier matin, la ville de Larbaâ Nath Irathen avait retrouvé son calme et les gens vaquaient normalement à leurs occupations. Les événements vécus durant la nuit ont constitué le principal sujet de discussion des habitants de cette localité de haute montagne, située à quelque 25 km au sud-est de la capitale du Djurdjura. «On pouvait bien laisser ces sympathisants du MAK s'exprimer pacifiquement. Cela aurait évité toutes ces scènes de violence. La répression n'a jamais rien réglé. Bien au contraire, elle ne fait que souffler sur le brasier», commente-t-on sur place.