La générale de la pièce de théâtre Torchaka (l'allumette) écrite et mise en scène par Ahmed Rezzag a été présentée mercredi en soirée à la salle Mahieddine-Bachtarzi à Alger. Quelques minutes avant le début de la pièce, la salle Mustapha- Kateb du TNA était déjà archicomble. Le public venu nombreux a tenu à assister à la générale de cette pièce tant attendue qui signe le retour en force du metteur en scène Ahmed Rezzag. On ne sait pas si le nombreux public est composé de comédiens venus applaudir leurs confrères ou si les gens ont bien décidé de renouer avec le théâtre en ce Ramadhan. Fun, burlesque et captivante, cette comédie noire de 90 minutes est basée sur une histoire d'amour. Elle réunit une vingtaine de comédiens de 12 wilayas dont certains sont connus et appréciés du grand public. La trame de Torchaka se déroule dans un lieu où vivent des allumettes dépourvues de sentiments. Ils ne jurent que par l'étincelle et le souffre et ainsi refusent de croire à l'existence de l'Amour jusqu'au jour où deux d'entre elles Torchaka, respectivement campé par Adila Soualem et Zalamit, joué par Oussama Boudchiche, commencent à vivre une histoire d'amour. Cet amour est vu comme une apocalypse dans cette société d'allumettes très conservatrice. En se donnant la réplique «L'amour, c'est quoi ? On ne connaît pas ! C'est un mot bel franssissa (en français)», les comédiens démontrent parfaitement que ces allumettes ingnoraient ce qu'est l'amour. La symbolique des allumettes représente la source de la vie, le malheur et le bonheur, la guerre et la lumière. Refuser l'amour, c'est donc anéantir cette source de vie qui est le feu. Original, le thème sensible de l'amour peut paraître banal. Cependant, de la manière dont il a été évoqué, mis en scène et interprété dans Torchaka, c'est carrément d'une nouvelle écriture théâtrale qu'il s'agit. La pièce démontre que ce sentiment humain et naturel est souvent mal considéré et mal exprimé car souvent refoulé. Il est devenu un produit de consommation poussant à la violence et à la haine dans la société. Torchaka est une reconsidération de l'amour que propose Ahmed Rezzak. Souffrir dans le souffre Dans un décor sombre et sobre, on retrouve des boites d'allumettes de différents formats placées comme toile de fond en arrière-scène. Cette mise en scène signée Ahmed Rezzak et Soumiway a été pensée afin de donner plus d'espace de jeu aux comédiens qui ont parfaitement occupé l'escape scénique. Les costumes des comédiens, même s'ils correspondaient à la trame de la pièce, manquaient un peu d'originalité. Les accoutrements aux couleurs du soufre et aux bonnets rouges ont bien servi le texte et le jeu des comédiens. Dans le rire et la dérision, l'indifférence et l'absence d'intérêt porté envers l'autre dans les sociétés actuelles, la pièce a énormément plu et convaincu le public très réactif, qui n'a pas cessé d'applaudir chaleureusement l'esprit du Torchak (soufre) qui explose à l'intérieur de chaque âme. Hamid Achouri, signant un retour tant attendu, a interprété le rôle de Sidi Zelmout, doyen et chef de la communauté, à qui la responsabilité d'expliquer à ses administrés la possibilité d'existence d'un amour aussi insensé, incombe. Dans des situations rocambolesques, Samira Sahraoui, Yasmine Abdelmoumen, Mustapha Laribi, Yacine Zaïdi et d'autres se sont donné la réplique dans des dialogues allusifs au rythme soutenu. L'ensemble des comédiens dont Sabrina Koreichi, Linda Blues et Mustapha Azzouz a su porter le texte et donner vie à la trame. Leur énergie commune a été bien portée par la complicité qui régnait entre eux. La musique, composée par le duo Abdellah El Kourd et Brahim Hadibèche, a réussi a créer des ambiances toniques sur lesquelles de belles chorégraphies se sont greffées, suscitant une forte adhésion du public. En faisant appel à des têtes d'affiche comme Hamid Achouri, Mustapha Laribi, après 14 ans d'absence, Samira Sahraoui, Yacine Zaidi et Abdellah Djellab, le metteur en scène a réussi haut la main son pari de remplir la salle de spectacle et, pourquoi pas, réconcilier le public avec le quatrième art. Il est utile de souligner par ailleurs que Torchaka devait être montée au niveau d'autres théâtres régionaux, il y a de cela trois ans avant que TNA ne la prenne en charge.