A chaque mois de Ramadhan son lot florissant de petits métiers informels qu'on retrouve aux alentours des marchés et aux quatre coins de la capitale des zianides. Toutes sortes de marchandises sont proposées. Ce sont généralement de jeunes chômeurs, des enfants et des femmes en quête d'un revenu modeste qui leur permettra de joindre les deux bouts, la cherté de la vie s'accentuant particulièrement durant ce mois de piété, et de satisfaire ainsi les besoins les plus élémentaires de leurs familles. Parmi les produits proposés, on trouve en tête ceux du terroir qui font le bonheur des nostalgiques qui aiment se tourner vers tout ce qui a trait à notre tradition ancestrale. Le pain traditionnel au blé dur ou tendre, à l'orge ou avec des olives et à l'huile d'olive, est devenu presque une industrie. Dès l'approche de la rupture du jeûne, c'est la ruée vers le plateau de Lalla Setti et la localité d'El-Mafrouch où des centaines d'étalages sont garnis de toutes sortes de pains traditionnels, préparés par les femmes et fraîchement sortis des fours traditionnels «frina» ou cuits sur des tajins d'argile. Même si les prix sont relativement élevés par rapport aux pains des boulangeries - 50 dinars la galette - les citoyens en raffolent et profitent de l'occasion pour s'approvisionner en lait et petit-lait de vache, conditionnés dans des sachets en plastique à raison de 50 dinars le litre et en semoule d'orge tchicha dont la hrira est succulente et très prisée durant ce mois sacré car consistante et très nutritive. Les adeptes d'une alimentation bio ne lésinent pas sur les moyens pour acheter des salades vertes, des piments verts, des tomates, des carottes et des radis cultivés dans les vergers situés en aval du barrage hydraulique d'El-Mafrouch que les agriculteurs proposent à des prix concurrentiels. Produits du terroir Aux alentours des marchés, ce sont des jeunes et des moins jeunes, jouant au chat et à la souris avec les forces de l'ordre, qui tentent d'écouler une multitude de denrées ou autres produits comme les pois chiches, le persil, le céleri, les diouls et de petites quantités de fruits et légumes, mais aussi des jus de fruits et des sodas. C'est généralementles après-midi, après la prière d' el asr, qu'apparaissent ces vendeurs dont tout un chacun a sa propre méthode pour attirer la clientèle. Les uns écoulent leurs produits par lot à des prix abordables, les autres cassent les prix affichés par la mercuriale et la majorité proposent une large variété de fruits de saison comme les cerises, les abricots, les pastèques, les melons et les figues à des prix défiant toute concurrence. Une stratégie payante puisqu'ils arrivent à écouler toute leur marchandise mais dans des conditions très difficiles. «On est pourchassés à longueur de journées par la police, pourtant on ne fait rien de mal, sauf tenter de gagner notre pain», affirment-ils, avant d'ajouter, ironique, que «c'est la pauvreté qui nous pousse à ces activités et c'est nettement plus honnête que d'aller voler». Pour cette vieille dame qui vend des œufs et des épices naturelles, «c'est la dureté de la vie et l'absence de ressources qui m'ont contrainte à cette activité pour glaner quelques dinars au lieu de verser dans la mendicité». Donc ces petits métiers sont intimement liés à la condition sociale de nombreux ménages sans ressources ou à revenus limités qui, à l'occasion du mois sacré, confectionnent à domicile toutes sortes de produits et chargent leur progéniture de leurs écoulements sur la place publique. Les plus assidus, qui se lèvent tôt pour s'approvisionner à hauteur de deux ou trois caisses de fruits ou légumes qu'ils revendent à prix abordables, affirment fièrement et dignement que «al razk aala Allah wa al khadma ma fihach aayb». Toujours est-il, entre le mois sacré de Ramadhan et ces petits métiers, il existe une synergie séculaire.