A peine les fédérations affiliées à la centrale syndicale UGTA ont entamé des réflexions sur les métiers pénibles susceptibles d'être exclus du nouveau système de retraite fixée à 60 ans, en vigueur dès le 1er janvier 2017, que les syndicats autonomes montent au créneau et rejettent catégoriquement la démarche. Etablir une liste des métiers et travaux non concernés par la suppression de la retraite proportionnelle et sans condition d'âge, décidée lors de la dernière tripartite, risque de prendre beaucoup plus de temps qu'on ne le croit. Amar Takdjount, cadre de l'Union générale des travailleurs algériens (UGTA) et néanmoins secrétaire général de la Fédération des travailleurs du textile, estime que « la tache n'est pas aisée ». « Il est difficile d'établir une liste de métiers jugés pénibles, car il y a de la nuisance physique et morale dans beaucoup de secteurs », nous dira M. Takdjount, joint hier par nos soins. Tout en affirmant que les fédérations affiliées à l'UGTA ont commencé « sur instruction » d'Abdelmadjid Sidi-Saïd, l'établissement de la liste des métiers pénibles, il précise qu'« il n'y a pas pour l'instant un secteur ciblé », contrairement à ce qu'ont rapporté certains médias. « On risque de tomber dans la ségrégation si l'on limite dès maintenant les secteurs », a mis en garde notre interlocuteur qui cite entre autres des métiers dans la sidérurgie, les énergies, les travaux publics, l'enseignement, la santé, le textile, les mines, le transport ferroviaire, etc. Selon lui, « une liste provisoire et préliminaire peut être élaborée au mois de septembre ». Mais, « l'idéal serait de prendre tout le temps nécessaire, avec l'association d'experts en nuisance et des professionnels de la médecine du travail », ajoute-t-il, prévoyant que «cela peut prendre jusqu'à une année ». Amar Takdjount n'exclut pas que « la liste définitive soit longue ». Ce qui rendrait alors la révision du système de retraite inutile et d'aucun intérêt pour l'économie nationale. Pourtant, malgré toutes ces assurances, les 17 syndicats autonomes regroupés au sein d'une coordination contre la suppression de la retraite proportionnelle et sans condition d'âge, ne veulent rien entendre. Boualem Amoura, secrétaire général du Syndicat autonome des travailleurs de l'éducation et de la formation (Satef) , explique que cette démarche répond à la logique de « diviser pour régner ». «L'UGTA est dans son rôle », critique M. Amoura, avant d'insister sur le fait que « la coordination des syndicats autonomes refuse catégoriquement l'établissement d'une liste des métiers pénibles ». Pour le SG du Satef, « il n'y a même pas lieu d'élaborer une telle liste, parce que la Caisse nationale de retraite (CNR) n'est pas en faillite ». Cette caisse «dispose de créances chez l'Etat», affirme notre interlocuteur, dénonçant que «ce n'est pas dans les poches des travailleurs qu'on doit chercher de l'argent ». Afin de trouver une meilleure solution si des difficultés financières existent pour la CNR, «le gouvernement devra commencer par ouvrir le dialogue avec les syndicats autonomes », insiste-t-il. Et d'enchaîner : « Nous avons des propositions à faire.» C'est dire combien l'élaboration de la liste des métiers pénibles, annoncée par le Premier ministre Abdelmalek Sellal et retenue par le dernier Conseil des ministres, constitue un casse-tête pour les autorités. Le risque de voir des sensibilités émerger dans le milieu du travail n'est pas écarté, surtout que les syndicats maintiennent leur plan d'action et promettent « une rentrée sociale chaude et perturbée ».