C'était, dimanche, une soirée particulière en athlétisme dans ces Jeux olympiques de Rio de Janeiro. Particulière parce que le programme proposé ce jour-là comportait ce que beaucoup d'observateurs considèrent comme étant la reine des finales dans cette discipline, à savoir le 100m messieurs. A peine une dizaine de secondes de course et le tour est joué. Tout est empaqueté, vous prenez ce qu'on vous donne et vous partez. Pour vivre en live ce court instant, il y en a qui dépensent une petite fortune. Nous avons trouvé, dimanche soir, aux abords du stade olympique Joao Havelange de Rio de Janeiro, beaucoup de revendeurs de billets que certains proposaient à 500 voire 600 et même 800 réis, la monnaie locale, soit entre 150 et 250 euros. Des gens ont foncé tête baissée pour acheter de tels billets alors que des guichets étaient encore ouverts et en proposaient au prix officiel, certainement moins cher que ceux du marché noir. Du reste, l'athlétisme ne semble pas faire sensation au Brésil, pays de football. Dans l'après-midi, alors que les Jeux battaient leur plein et que de nombreuses compétitions se déroulaient, nous avons remarqué que nombre de bars et de restaurants proposaient à leur clientèle la retransmission en direct à la télévision du match de championnat de football du Brésil entre le FC Sao Paulo et Botafogo, l'un des innombrables clubs de Rio de Janeiro. Le soir, tout autour du stade Joao Havelange, alors que des milliers de spectateurs dans l'attente d'entrer au stade déambulaient devant eux, des dizaines de Brésiliens étaient sagement attablés à la terrasse des bars en train de siroter des bières, l'air vraiment éloigné des Jeux. On est même passé devant un bar qui avait mis de la musique à fond et où des clients dansaient sans se soucier de ce qui se passait dehors. Les Brésiliens aiment faire la fête, c'est connu, et dès notre arrivée en train à la station du stade, nous avons été reçus avec les milliers de gens qui nous accompagnaient par une fanfare qui distillait des airs de samba. Un Sud-africain au sommet Mais nous n'étions pas venus au stade Joao Havelange pour la fête ou la musique mais bien pour cette fameuse finale du 100m que tout le monde attendait. Ce devait être le clou de la soirée, il a été devancé, voire éclipsé, par un autre évènement qui serait passé, en d'autres circonstances presque inaperçu. Il s'agit de la finale du 400m messieurs dans laquelle ne figuraient pas des athlètes reconnus comme des stars. La dernière grande vedette de la distance avait été un certain Michael Johnson, celui qui détenait le record du monde de la distance, en 43.18, depuis les Mondiaux de Séville, le 26 août 1999. Nous étions là-bas cette année et nous avions suivi en direct ce grand évènement, puisque Johnson venait de battre le vieux record du monde de son compatriote Lee Evans, en 43.86, qui datait des Jeux olympiques de Mexico en 1968. Le hasard a voulu que nous soyons de nouveau dans un stade pour assister à la chute du record du monde du 400m messieurs, de Michael Johnson. Cela s'est passé un dimanche 14 août 2016 aux Jeux olympiques de Rio de Janeiro. L'auteur de l'exploit est un Sud-africain du nom de Wayne van Niekerk, un garçon qui s'est installé au sommet de la hiérarchie de cette épreuve malgré la présence d'un certain Kirani James, champion du monde en 2011 à Daegu et champion olympique en 2012 à Londres. Le Sud-africain a survolé cette finale de Rio de Janeiro, bien que placé dans le dernier couloir, celui où il court en aveugle puisqu'il n'a aucun adversaire dans son champ de vision, sauf s'il est dépassé pendant la course. van Niekerk n'a laissé aucune chance à ses rivaux en proposant une course limpide qui lui a permis d'aller vers un incroyable record du monde en 43.03. Bolt fait le spectacle Pourtant, cet exploit n'a pas eu la reconnaissance qu'il méritait. Obnubilés par le fait que la finale du 100m messieurs approchait, les spectateurs ont presque oublié d'applaudir le Sud-africain. Les Brésiliens ont réellement montré leur attirance pour le star-système puisqu'ils n'ont fait que parler d'Usain Bolt. Déjà lors des demi-finales de cette course, proposées près de deux heures avant la finale, ils se sont largement manifestés en faveur du Jamaïcain. En finale, ce fut encore plus fort. Un moment de grande émotion. Déjà dans sa présentation puisque c'est la seule épreuve où les finalistes sont présentés à leur entrée, un à un, comme on le fait lors des grands matches de basket-ball aux Etats-Unis. Un vrai show avec musique d'ambiance et jeux de lumières. Et puis il y a les facéties de Bolt lors de l'échauffement, un Bolt qui sait faire chauffer le public par des mimiques propres à lui. Mais au moment du départ, on entendrait une mouche voler dans le stade, tant le silence est total. Au moment du coup de starter, le public réagit, les flashes crépitent, les caméras sont en action. Moins de dix secondes et la victoire est concrétisée. Elle est l'œuvre d'Usain Bolt qui est allé la cherché au fond de lui-même puisqu'il a été poussé dans ses derniers retranchements par l'Américain Justin Gatlin, celui qu'une bonne partie du public a hué. A moins de 20 mètres de l'arrivée Gatlin avait course gagné, mais il n'a rien pu faire devant l'extraordinaire finish d'un Bolt qui est allé vers sont troisième sacre olympique de suite sur la distance. Jamais un athlète n'avait réussi un tel exploit. Le nom de Bolt restera à jamais inscrit en lettres d'or dans l'histoire de l'athlétisme mondial.