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L'acteur Boualem Bennani :«Je n'ai pas choisi de quitter le cinéma»
Publié dans Le Temps d'Algérie le 11130

Coup de gueule, appel du cœur et cri d'espoir. L'acteur célèbre pour son interprétation du rôle de Omar Gatlato, le macho au cœur tendre habitant les hauteurs de la casbah, passionné de musique chaâbie et de films hindous (film de Merzak Allouache sorti en 1976) a toujours les yeux qui brillent quand on parle de cinéma.
Né en 1940 à Hussein-Dey (Alger), de son vrai nom Djilali Bennani, l'acteur a fait ses débuts au Théâtre national algérien (TNA) en 1964 après une formation à l'école de Bordj El Kiffan. Au cinéma, il a notamment joué dans Le Vent du sud (1975), Omar Gatlato (1976) et Les Enfants du vent (1980). Dans cet entretien, Boualem Bennani revient sur ce qui a fait son succès et sur la situation de crise qui ne cesse de planer sur le cinéma algérien.
Le Temps d'Algérie : On ne vous voit plus sur la scène cinématographique, ni sur le petit écran. vous êtes-vous retiré par choix ou ne fait-on plus appel à vous ?
Boualem Bennani : On fait tout le temps appel à moi, mais je refuse. Pourquoi ? Le cinéma est un art, ce n'est pas pour rien qu'on l'a appelé le septième art. Et pour bien le faire, il faut beaucoup de moyens. Enormément d'éléments entrent en compte. Je citerai par exemple les salles de cinéma qu'il est plus qu'urgent de rouvrir.
Ces structures doivent vivre et c'est en vendant des tickets au public comme c'est le cas dans tous les pays du monde que cela marchera. Pour moi, il est impossible que l'Etat prenne en charge le septième art. Il faudrait aussi réunir les producteurs privés et les sponsors… Sinon pour jouer dans les sketchs ou autres téléfilms qu'on diffuse à la télévision nationale, je ne pourrai pas y prendre part car je respecte beaucoup trop ma profession. Il ne faut pas tomber dans la débilité de ces sketchs qui n'ont aucun sens, il faut faire de l'art comme on en faisait à notre époque. Je n'ai pas choisi de quitter le cinéma, mais c'est plus fort que moi.
Votre interprétation dans Omar Gatlato aura été «le rôle» de votre vie. 40 ans après ce film, qu'est-ce qui a changé en vous ?
J'ai eu la chance d'interpréter d'autres rôles durant ma carrière qui étaient bien meilleurs que celui de Omar Gatlato. Il y en a malheureusement qui ont été censurés, d'autres carrément supprimés… mais c'est vrai que Omar aura été et est toujours le symbole de notre algérianité. Nous les algériens, on a cette ardeur et ce zèle dans notre dignité, Ennif comme on aime dire, le respect et el horma… et l'algérien est célèbre pour ces qualités. Tout ce brouhaha dans le comportement et les habitudes d'un algérien typiquement parlant est représenté par Omar Gatlato. D'autant plus que ce film est sorti dans une période idéale, c'est le premier film social qu'a produit l'Algérie indépendante à une époque où trônaient les films de guerre. Ce film est sorti dans une temporalité idéale et il a reçu un excellent accueil du peuple algérien qui se reconnaissait dans le personnage de Omar.
Lors de l'hommage qu'on vous a rendu à la cérémonie d'ouverture du Fiofa 2016, vous avez regretté le fait de ne pas présenter de nouveaux films et être quand même honoré pour ça ?
Je n'ai pas voulu de cet hommage, tout ceci est politique… corruption et démagogie… je ne mange pas de ce pain-là. J'aurais voulu venir au festival d'Oran du Film Arabe sur la base d'une nouvelle production cinématographique que j'aurais présentée au public. Tout cela m'attriste énormément. On est sorti des institutions pédagogiques avec plein d'idées en tête, munis d'un dynamisme et pleins de passion pour le cinéma. Et finalement, nos rêves se sont brisés…On nous a détruits. Je pense que cette situation a été préméditée au moment où les mains étrangères ont colonisé le pays. Ces traîtres nous ont détruits, et ils ont cassé le cinéma algérien…
Le cinéma algérien est passé par de nombreuses étapes. Il a connu le succès, la monotonie et la chute… Pourquoi ?
C'est une grande interrogation qu'il faut d'abord nous poser à nous- mêmes. Pourquoi ferme-t-on les salles de cinéma ? Alors que nous, on vit de la vente des tickets ! C'est comme si on faisait du football mais sans avoir de stade. Toute cette situation a été bien étudiée à l'avance. Les mains étrangères y ont tout planifié. Quand on allait aux festivals arabes en Irak, en Syrie ou en Egypte, on nous vénérait comme des Dieux, on était «Les algériens faiseurs de films». …L'Egypte a beau avoir un siècle de cinéma, elle n'a toujours pas obtenu de palme d'or du cinéma, alors que nous, grâce au film «Chronique des années de braise» de Mohammed Lakhdar Hamina, on l'a obtenue en 1975 lors du Festival de Cannes. On a vécu l'âge d'or du cinéma algérien et aujourd'hui, on nous a cassés…
Le ministre de la culture Azzedine Mihoubi a beaucoup évoqué ces derniers temps la relance des salles de cinéma. voyez-vous une lueur d'espoir dans ses discours ?
On est pour la relance des salles de cinéma. On en a parlé avec l'actuel ministre de la culture et même avec le président de la république, M, Abdelaziz Bouteflika. Et même s'il est malade, il a compris notre message et notre souhait. Si les salles de cinéma venaient à rouvrir, 50% du problème serait réglé, et là, on pourrait faire du cinéma et non pas de la ratatouille...
Un mot sur la jeune génération de cinéastes algériens ?
Appelez-là comme vous voudrez, mais sur le plan professionnel, je ne pourrai pas dire grand-chose. Le cinéma est un art, et comme tout art qui se respecte, il a ses règles... Notre génération a fait les écoles de cinéma, on a étudié cet art, on y est pas tombé par hasard.
Vos projets ?
J'écris.

Vous écrivez quoi ?
J'écris les malheurs de ce pays… mes aventures…
Entretien réalisé


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