Il ne nous reste plus que 121,9 milliards de dollars dans les caisses. C'est le gouverneur de la Banque d'Algérie qui nous l'a certifié hier via la commission des finances et du budget de l'APN, qui l'a auditionné dans le cadre de l'examen du projet de loi de finances 2017. A vrai dire, nous savons tous que ce bas de laine est en train de fondre comme neige au soleil et que le gouvernement tente juste de réchauffer par un plan de com', il faut le dire, pas très performant et encore moins convainquant. Cette même Banque d'Algérie s'était empressée, l'été dernier, de crier à «l'alarmisme» de la Banque mondiale (BM) qui, elle, avait, dans son rapport sur la région Mena, conclu que les réserves de change algériennes allait dévisser à hauteur de 60 milliards de dollars en 2018. «Ces prévisions ne reposent pas sur des hypothèses probantes», avait répliqué l'institution dirigée par Mohamed Loukal. La BA a cru devoir voler au secours politique du Premier ministre qui a engagé sa parole devant la tripartite, de ce que les réserves de change algériennes ne baisseront pas «sous le seuil des 100 milliards de dollars». Sellal avait rassuré que «nous avons étudié la situation et jusqu'à 2019». A la bonne heure ! Sauf que cette assurance s'apparente à un cautère sur une jambe de bois. Elle n'a pas résisté plus de deux mois pour être démentie par les chiffres de… la Banque d'Algérie ! Eh oui, l'Algérie a perdu pas moins de 7 milliards de dollars de ses économies en trois mois ! D'un solde de 129 milliards de dollars à fin juin 2016, elle est passée à 121,9 milliards à fin septembre. A cette cadence, le matelas risque de s'assécher encore de près de 10 milliards de dollars avant la fin de l'année. Les chiffres sont, hélas, têtus et ne sont pas sujets à manipulation, a fortiori quand ils sont adossés à un tableau de bord économique où tout clignote au rouge (déficit commercial, déficit de la balance des payements, hausse des importations…). On aurait aimé que la belle assurance de Sellal soit fondée, et que le démenti de la Banque d'Algérie à la BM soit étayé et chiffré. C'est que les calculs économiques et financiers n'obéissent pas aux mêmes critères que les stratégies politiques. A la place de ce discours lénifiant, qui plus est décalé de la réalité, le gouvernement aurait été mieux inspiré de «dire la vérité au peuple», comme le répète à chaque fois et à juste titre le président de la République. La pilule a plus de chance de passer, en effet. Vous pouvez mentir sur le nombre de logements à construire, ou de chemins de fer à ouvrir mais jamais sur le solde d'argent qui vous restera dans les caisses. Surtout quand vous maintenez, contre toute logique prudentielle en temps de crise, une spirale dépensière semblable à celle des années fastes du baril qui explosait au-delà de 100 dollars. Cela n'a rien d'une stratégie de gestion de crise. C'est juste une machine à produire du discours soporifique destiné à rassurer quand il fallait plutôt opérer urgemment des réformes profondes et hardies que dicte notre contexte. Parce que, à ce rythme, le gouvernement Sellal risque de collectionner encore de mauvaises notes, et recevoir les vrais chiffres comme un terrible boomerang d'un grave défaut de prévision. On ne répétera jamais assez cet inusable axiome politique : «Gouverner c'est prévoir», et sur ce coup-là, l'Exécutif s'est planté. Lourdement. Diaboliser le recours à l'endettement étranger, hésiter à revoir le système inique des subventions, traîner la patte dans la nécessaire réduction du train de vie de l'Etat, casser le tabou de la sacro-sainte règle du 51-49, nettoyer au Karcher l'environnement des affaires, sont autant de chantiers que le gouvernement doit ouvrir sans délai. Les experts lui avaient pourtant prescrit l'ordonnance, il y a près d'une année. Mais il faut croire que les considérations politiques et politiciennes ont pris le dessus sur le souci de l'efficacité économique. Et à quelques mois des élections législatives, il n'est pas sûr que le gouvernement Sellal, hanté par les mouvements sociaux, puisse avoir suffisamment de courage pour secouer le cocotier. Or, l'équation aujourd'hui, avec le tarissement du fonds de régulation des recettes (FRR) et, désormais, des réserves de change, se pose en ces termes : s'adapter ou disparaître. Le prix de l'entêtement risque d'être chèrement payé.