Pharmacien, expert en vigilance sanitaire (pharmacovigilance, matériovigilance, biovigilance), Azzeddine Zemmam a fait une partie de ses études en Algérie et a validé sa thèse sur la pharmacovigilance à Paris Descartes. Actuellement, il exerce en France. Une folle polémique est provoquée en Algérie depuis le lancement du produit RHB, présenté par ses promoteurs comme étant un remède miracle contre le diabète. Que vous inspire cette polémique en tant qu'expert en vigilances sanitaires ? Cette polémique reflète un sérieux problème qui risquerait d'entacher sérieusement la protection et la promotion de la santé publique en Algérie. La polémique s'avère être d'autant plus grave lorsqu'on sait que c'est le cadre numéro Un du ministère de la Santé de la République algérienne, en sa qualité de premier responsable de la protection et de la promotion de la santé publique tel que le prévoit le code de la santé publique en vigueur, qui a participé à la médiatisation et à la promotion de ce produit en Algérie. Le processus de lancement de ce produit semble n'avoir obéi, selon des médecins, à aucune règle protocolaire. Pouvez-vous éclairer nos lecteurs sur ce point, surtout qu'il s'agit d'une question de santé publique ? Tout d'abord, je tiens à apporter quelques clarifications concernant la classification de ce produit. Selon la loi 85-05 du code de la santé publique algérien, on entend par médicament toute substance ou composition présentée comme possédant des propriétés curatives ou préventives à l'égard des maladies humaines ou animales, tous produits pouvant être administrés à l'homme ou à l'animal en vue d'établir un diagnostic médical ou de restaurer, corriger, modifier leurs fonctions organiques. Il s'agit là d'une définition à deux composantes, une définition par présentation ainsi qu'une définition par fonction. Le RHB, tel qu'il a été présenté par M. Zaïbat ainsi que par M. le ministre sur des chaînes télévisées rentre dans le cadre de cette définition. Le RHB a été présenté en tant que médicament. Or, pour qu'un médicament puisse être enregistré, il faut que le fabriquant du produit dit alors «candidat-médicament» procède à l'enregistrement de ce dernier auprès du ministère de la Santé, en soumettant un dossier d'AMM (Autorisation de Mise sur le Marché) comportant 5 modules (y compris deux modules relatifs à la sécurité et à l'efficacité du produit). Cela n'a jamais été fait. Si l'on omet cette première phase «médiatique», et que l'on se focalise sur ce que rapportait dernièrement M. Zaïbat à la télévision (revenant sur ses déclarations et présentant cette fois-ci le produit comme étant un complément alimentaire), il faut savoir que la composition des compléments alimentaires est clairement définie dans la réglementation. Les compléments alimentaires sont définis comme «des denrées alimentaires dont le but est de compléter un régime alimentaire normal et qui constituent une source concentrée de nutriments ou d'autres substances ayant un effet nutritionnel ou physiologique». Un complément alimentaire ne doit pas revendiquer la prévention ou le traitement des maladies (Rappelons que sur les conditionnements secondaires du «RHB», on peut lire la mention «pour une meilleure maîtrise du diabète» et que M. Zaïbet continue de dire sur certaines chaînes satellitaires que le RHB permettait de réduire significativement certains symptômes du diabète (ex : polyurie, etc.). Enfin, selon la réglementation en vigueur, la composition d'un complément alimentaire (pouvant comprendre des nutriments (vitamines et minéraux), des plantes ou extraits de plantes n'ayant pas d'action pharmacologique et n'ayant aucun usage exclusivement thérapeutique, des substances à but nutritionnel ou physiologique etc.) doit être connue du public et fournie avec le produit qui est en libre vente. La composition du RHB n'a à ce jour jamais été décrite par le fabriquant. Sur la notice, l'on peut lire «SOPEB», un composant non connu dans la pharmacopée (référence en réglementation pharmaceutique). Le promoteur de ce produit a-t-il respecté les aspects réglementaires en la matière ? La réglementation en vigueur en Algérie, régissant le statut du médicament ainsi que celle relative aux compléments alimentaires, n'a pas été respectée. Pis encore, d'un point de vue sanitaire, nous ne connaissons la balance bénéfice-risque du produit (Efficacité/Sécurité du produit). M. Zaïbet spécifiait lors d'une de ses interviews que son produit avait été testé sur plusieurs patients et que leurs «symptômes» avaient disparu. «La recherche impliquant la participation de sujets humains devrait être conduite exclusivement par des chercheurs possédant les qualifications et l'expérience voulues conformément à un protocole exposant clairement : le but de la recherche ; les raisons pour lesquelles il est proposé de l'effectuer sur des sujets humains ; la nature et le degré des risques connus ; les sources auxquelles il est proposé de recruter les sujets, et les moyens envisagés pour faire en sorte que leur consentement soit dûment éclairé». Là encore, la réglementation relative aux essais cliniques en Algérie n'a pas été respectée, puisque avant de tester un produit (candidat-médicament) sur un patient ou une cohorte de patients, l'investigateur doit procéder à l'enregistrement d'une demande auprès des autorités compétentes, demande revue également par un comité d'éthique compétent en matière de protection des personnes. Les essais sur humains sans autorisations ont fait l'objet de plusieurs discussions depuis la fin de la seconde guerre mondiale afin de promouvoir la protection des personnes (Code de Nuremberg, Déclaration de Manille etc).