«La voyageuse» est un passionnant récit qui nous plonge dans la période coloniale dans la région du Mzab, où la vie des autochtones et des colons est ponctuée par la culture, les us et le mode de vie de ces populations colonisées. CE ROMAN pathétique d'Ahmed Bakelli paru aux éditions Casbah renvoie à une vision coloniale étayée par un discours humaniste. Il s'agit de Christine, femme d'un commandant qui rejoint son époux dans son quartier général au M'zab. Durant son voyage, elle découvre les paysages et sites merveilleux très différents de ceux de la capitale Alger, où elle a séjourné durant quelques mois. Christine s'adapte avec aisance dans cette contrée rocheuse et désertique. Elle passe tout en revue et écrit ce qu'elle voit et ressent à ses amies d'Alger, Madeleine et Juliette. Ses innombrables réflexions l'amènent à être en contradiction avec les points de vue de Mathieu, son mari le militaire. Elle conçoit que les autochtones ont leur culture, leurs coutumes et leur religion à préserver. Sa vision universaliste s'oppose avec celles des militaires qui voient en l'ordre colonial un bienfait civilisationnel. Cette narration nous informe sur cette période du début de l'année 1914 avec ses faits et événements. Le personnage principal découvre la culture ancestrale d'une grande sagesse et la richesse des Mozabites dont les codes sont souvent d'honneur. Découverte d'une culture Tout au long de ce roman, l'héroïne Christine est comme dans un grand périple allant de découvertes en découvertes, de péripéties et de pensées. L'auteur à la profondeur d'analyse et à la hauteur de vue s'attelle à décrire sa région natale, El Atteuf, dans la wilaya de Ghardaïa, qu'il valorise à travers les cogitations de Christine. Loin de tout chauvinisme et de toute discrimination, elle est enchantée par cette contrée séculaire si différente de sa France natale. Bien intégrée dans ce village avec Boudjemaâ le jardinier, la famille du cadi Da Slimane, Ma-Zidi, Mamati, Khadidja, Afia, etc. Bien adoptée par les populations locales, Christine fait partie intégrante de ce paysage mais ses idées humanistes l'empêchentd'être en harmonie avec ellemême. Dans ses propos, transparaît cette part de culpabilité : «L'heure étant à l'action, j'ai décidé de me mettre simplement à votre disposition et vous invite à y réfléchir. L'espoir étant de m'associer à votre entreprise de bienfaisance en prodiguant des soins aux blessés. Atténuer un tant soit peu les souffrances engendrées par ce carnage insensé contribuera peut-être à alléger celles de nos consciences.» C'est sur cette note quelque peu empreinte de regret et de culpabilités que s'achève ce roman émouvant. D'une parfaite maîtrise de la langue et avec des informations détaillées sur la contrée, Ahmed Bakelli a retracé un pan de l'histoire de notre pays.