Depuis fort longtemps, des musiciens sont sortis du lot car ils sont tout simplement doués. Qui se souvient de nos virtuoses ? Au début du siècle dernier, le Blidéen Mahmoud Ould Sidi Saïd, dit Qelb Edelaâ ( pour sa beauté et ses joues rouges) était connu pour sa maîtrise du violon. On raconte que ce musicien, qui a formé directement ou indirectement et inspiré plusieurs violonistes de la Ville des roses, notamment Hadj Medjber qui faisait parie de l'orchestre de Dahmane Benachour, réussissait à faire le son des oiseaux en faisant glisser son archet et même à imiter l'appel à la prière. Durant la même période, la chanteuse Mâlma Yamna, la doyenne du hawzi sortait du lot en s'accompagnant merveilleusement du violon. Le maître de l'andalou, Cheikh Larbi Bensari, jouait aussi bien au violon qu'au rbab. D'autres violonistes se feront un nom grâce à la grande maîtrise de cet instrument, notamment Lili Labassi et Abdelghnai Belkaïd. Par la suite, c'est Mohamed Mokhtari qui sera reconnu comme virtuose. Ce dernier a eu l'audace de choisir l'option moderne en jouant debout tout en profitant de ses connaissances de la musique classique algérienne. Mokhtari saura également comment introduire certains sons tziganes, notamment dans ses solos que nul ne peut reproduire. D'ailleurs, en plus de 60 ans de carrière, il a accompagné les plus grands chanteurs, et lors de son dernier concert en France, Salim Hellali lui fit appel pour être à ses côtés. Il faut noter que Mustapha Sahnoun, qui dirigeait il y a une cinquantaine d'années, l'orchestre La rose blanche est également un grand violoniste. Un guitariste exceptionnel Au lendemain de l'indépendance, c'est Mohamed Aouali dit Moh Sghir Laâma (car il était aveugle) qui se fera remarquer par son jeu exceptionnel à la guitare. Moh Sghir, qui faisait partie de l'orchestre de la RTA, a accompagné les plus grands chanteurs d'andalou et de chaâbi. Il avait une façon unique de tenir la guitare à la verticale sur ses genoux et ses solos restent dans la mémoire de la musique algérienne. Moh Sghir, qui habitait à Bouzaréah, sur les hauteurs d'Alger, avait le don de reconnaître les gens en leur tâtant l'oreille. Bien avant que la science ne le découvre, il y a quelque années, le virtuose algérien savait déjà que les formes des oreilles sont personnelles tout à fait comme les empreintes digitales. L'autre grand virtuose de la guitare n'est autre que le chanteur et parolier Mohamed El Badji. Le compositeur, musicien, comédien et parolier Badreddine Bouroubi, qui vit toujours à Bouzaréah et à qui on devrait rendre hommage, est également un grand virtuose de la guitare. Dans les années quarante, deux musiciens ont choisi de jouer au qanoun (cythare) et qui ont réussi à devenir de véritables maîtres. Ce sont Benoît Lafleur et Mohamed Fergane. Il y a eu aussi Mebrouk Hamai qui a suivi la même voie. Pour le piano, mis à part le grand Mohamed Iguerbouchène qui est mondialement reconnu, les pianistes les plus reconnus restent Mustapha Skandrani et Mohamed Behar. Si le musicien de Laghouat Ray Malek reste une légende dans la maîtrise du oud (luth), l'Algérie a connu des artistes qui jouaient de cet instrument comme les plus grands virtuoses, notamment Tahar Benahmed et Moati Bachir. Hadj Mohamed Tahar Fergani qui vient de nous quitter jouait de plusieurs instruments dont la flûte (Fhel) et maîtrisait à la perfection aussi bien le luth que le violon. C'est aussi le cas de Hamdi Bennani, connu pour son violon blanc. Il y a eu d'autres virtuoses du oud mais pour les dernières années c'est Mohamed Alla qui est devenu célèbre et ses enregistrements sont recherchés même en Europe. Doués mais inconnus Pour le mandole, on sait que c'est en grande partie la réussite d'un chanteur de chaâbi et on reconnaît au pionnier de ce style Hadj M'hamed El Anka qu'il arrive même à ajuster son instrument avec sa voix jusqu'à les confondre. Les élèves d'El Anka, tels que Kamel Feredjellah, Mehdi Tamache et Hsicen Saâdi, ont suivi la voie de leur maître. Parmi les eleves du pionnier du Chaâbi, Naguib qui fut le meilleur au Banjo nous avait déclaré que le plus grand maître de cet instrument restait Mohamed Tailleur à qui “ on devrait remettre un Banjo d'or”. Dahmane El Harrachi domine aussi cet instrument et a un don pour nous offrir des sons dont seul lui connaît les secrets. Le chanteur Matoub était également un virtuose du mandole.De son côté, Mohamed Rouane a créé sa propre méthode pour jouer merveilleusement des solos sur son mandole dessiné par le peintre Mohamed Laraba. Il faut noter que bien qu'ils soient des virtuoses, certains musiciens restent inconnus car ils n'ont pas fait partie de grands orchestres ou par un choix personnel en voulant vivre dans la discrétion comme ce fut le cas pour l'artisan luthier Mohamed Benaicha de Blida, qui était un véritable maître des instruments à cordes, notamment le luth et le bosq (bouzouki).