Le président de la République, Abdelaziz Bouteflika, vient de l'honorer en lui attribuant la médaille du mérite national Achir. Honoré de son vivant, Blaoui Houari, qui est à la fois le doyen de la chanson oranaise et l'un des plus grands maîtres de la chanson bédouie modernisée, le mérite amplement. A 91 ans, Blaoui Houari est ,aujourd'hui, le dernier des pionniers et un grand symbole de la chanson oranaise. Il est le dernier chanteur oranais à avoir su allier le bédoui oranais que chantaient les grands maîtres Abdelkader El Khaldi, Cheikh Hamada à la musique moderne. Blaoui Houari est innovateur. Pour connaître son ascenscion, on doit retourner à près d'un siècle en arrière. Au début des années 1940, les Allemands entrent par la force à Paris, puis les Américains descendent au port d'Alger. Ces derniers, qui distribuent le sucre, les couvertures et le chewing-gum sont bien accueillis par les Algériens. Ces blonds venus d'ailleurs font chanter les Algéroises qui improvisent un succès «Johnny âynou Zerqa» au moment où, au Maroc, le chanteur Slaoui fait un tabac avec son tube «Ok Come in -Bye Bye». L'Algérie culturelle était en pleine transition. Les jeunes se mettaient tous à la musique moderne. Comme en Europe, tout le monde écoutait les chansons de Tino Rossi, Charles Trénet et Henry Salvador. Le temps était aux rythmes jazz et au passo doble. Si à Alger, les chanteurs Badreddine Bouroubi, Abderrahmane Aziz, Lili Boniche et Salim Hellali faisaient fureur, Oran assistait à la montée de grands artistes tel que Reinette Daoud qui suivait la voie de son maître Saoud El Medioni. Blaoui Houari est encouragé par son père Mohamed Tazi, un joueur de kouitra et son frère Kouider qui lui donnera ses premiers cours de musique en lui apprenant à jouer aux instruments à cordes, notamment la mandoline et le banjo. A l'époque, toute l'Oranie écoutait la chanson bédouine. Cheikh Abdelkader El Khaldi était le plus grand maître devant des dizaines de chanteurs tels que Mohamed El Ghelizani, Ahmed Palikao et Omar El Moqrani, qui écrira plus tard des chansons à Ahmed Saber. Du bédoui au moderne Grandi dans cette ambiance, Blaoui Houari qui écoute les chansons très en vogue d'Oum Kalthoum et Mohamed Abdelwahab en aidant son père dans le café qu'il tenait, fait une première entrée sur scène par le biais d'un radio - crochet à la salle El-Feth (ex-Pigalle) Le jeune se mettra vite au diapason en alliant le bédoui au moderne, notamment la variété française de l'époque et la musique espagnole. Il faut dire qu'à 13 ans, le jeune Houari qui travaillait auprès de son père qui tenait un café prés de Hammam Essaâ (bain de l'horloge), était décidé à suivre une carrière de chanteur. Très doué, il apprend à jouer de plusieurs instruments dont l'accordéon et la guitare qui seront ses instruments préférés. C'est en 1943 qu'il a créé son propre orchestre avec son frère Mazouzi et Kouider Benzellat. Hommage à Zabana Malgré son jeune âge, Blaoui Houari, né en 1926 à M' dina Jdida, quartier populaire d'Oran, est déjà un innovateur. Tout comme le grand maître Ahmed Wahbi, il décide de reprendre des chansons du bédoui oranais avec des arrangements nouveaux et des instruments modernes. C'est ainsi qu'il chantera «Bya Dhaq El Mour», «Ya Khay Ki Rani» et d'autres chansons du patrimoine. Le succès viendra par la suite, notamment avec la chanson «Ismaâ» qui passera pendant plusieurs décennies à la radio. Touché par la disparition du chahid Ahmed Zahana, guillotiné par les Français à la prison de Serkadji, il lui rend hommage en chantant «Ya dbeili Ana Äla Zabana». Artiste très doué, Blaoui Houari n'hésitera pas à montrer ses dons de comédien en imitant lors d'une soirée, le chanteur Cheikh Hasnaoui. L'artiste a également joué dans quelques sketchs. A 90 ans, Blaoui Houari, qui vit toujours à Oran, reste, aux côtés d'Ahmed Wahbi, le fondateur de la chanson dite oranaise. Le défunt Ahmed Saber était également un grand chanteur mais il fut quelque peu victime de son succès ce qui le mena à opter quelque peu pour la chanson commerciale.