Il était pendant longtemps le cheval de bataille des partis de l'opposition contre le pouvoir, accusé d'user et d'abuser du vote des corps constitués et surtout de celui des soldats de l'armée comme gisement intarissable pour faire pencher la balance des résultats selon les calculs politiques du moment. Le vote des militaires dans les casernes est désormais passé de mode. Le commandement de l'armée et sans doute sur ordre du président de la République, a compris que la transparence des opérations de vote et finalement la crédibilité d'un processus électoral ne s'accommodent plus avec le vote dans les casernes. C'est le sens qu'il faut donner à l'annonce faite hier par le général de corps d'armée Ahmed Gaïd Salah, à savoir que les militaires ne voteront plus dans leurs casernes comme cela se faisait jusqu'ici. Le chef de l'armée a qualifié le scrutin du 4 mai de «hautement vital», suggérant ainsi qu'il ne faudrait pas laisser l'ombre d'un doute quant à la crédibilité des législatives. Le vice-ministre de la Défense nationale, chef d'état-major de l'armée, a annoncé cette bonne nouvelle depuis Ouargla où il effectuait hier une visite de travail. «Notre pays verra dans quelques jours, grâce à Dieu, un important scrutin qui consiste en les élections législatives prévues le 4 mai prochain et qui est un événement national hautement vital pour notre pays et notre peuple», a-t-il commenté. Et Gaïd Salah d'appuyer cette décision : «Le devoir de citoyenneté exige des personnels de l'ANP d'accomplir leur devoir électoral hors des casernes, et ce, conformément aux lois de la République et suivant les mesures prises en coordination avec le ministère de l'Intérieur, ce qui permettra à l'ensemble de nos personnels militaires de voter en toute liberté et transparence et de participer au côté de leurs concitoyens dans l'accomplissement de cet important devoir national». Il n'y a rien à redire là-dessus. Faire voter les militaires chez eux et non pas dans les casernes où tous les doutes sont permis, à l'abri des regards des observateurs, est une très bonne décision. Et pour cause ! Des soupçons de fraude - du reste légitimes - ont jalonné tous les scrutins organisés depuis le début du pluralisme politique en Algérie, voire sans doute bien avant. Et tant pis si cela avait profité auparavant à des candidats et à des partis… La démocratie algérienne étant en phase de construction, ne faisons pas la fine bouche sur cette évolution qui rapproche notre pays des standards universels en termes de bonnes pratiques démocratiques. C'est un geste significatif d'un apprentissage de l'éthique politique et des vertus de la saine compétition. En levant cette hypothèque, l'armée nationale se soulage d'un boulet qu'elle traîne depuis des années d'être une faiseuse de rois. C'est en tout cas une façon de se disculper, à son corps défendant, des accusations de fraude et de cette peu glorieuse étiquette qui lui colle à la peau : «C'est l'armée qui décide de tout». Tant mieux donc que les casernes soient déclarées zones interdites pour le vote et ses dommages collatéraux, les accusations de tripatouillage des résultats. L'armée qui a tant subi en terme d'image, n'en sortira que grandie. Politiquement, au-delà du fait que ce soit un signe d'évolution substantiel pour un pays comme l'Algérie, cette décision met les partis qui crient à la fraude devant leurs responsabilités. Il ne leur sera plus possible de brandir le vote des casernes pour justifier une déroute électorale. Il y a bien sûr d'autres mesures à prendre pour mettre définitivement les élections en Algérie à l'abri de toute mauvaise publicité, mais celle-ci est décisive. Le gisement électoral de l'armée, qui se compte en milliers de voix, est désormais hors d'atteinte. Nos soldats et nos officiers n'auront désormais plus de souci à se faire sauf celui de se mettre au garde à vous pour défendre la République qui appartient à tous les partis. Précisément, le général de corps d'armée Ahmed Gaïd Salah a assuré hier que «toutes les mesures sécuritaires ont été prises à même d'assurer le bon déroulement des législatives». De la même manière, il a affirmé que l'ANP «veille à adopter une approche de terrain avec précaution et anticipation, afin d'assurer la sécurité et la stabilité à travers l'ensemble du territoire national et tout au long de nos frontières nationales». C'est là la seule vocation des soldats de l'armée et de leurs chefs hiérarchiques. Et pour mener à bien cette noble mission, ils ont le soutien de tous les Algériens et de tous les partis. Et sont au-dessus de tout soupçon.