“À la veille de chaque scrutin, la question du corps électoral revient. Avant, on s'interrogeait sur le vote des corps constitués dans les casernes. Cela a été supprimé pour permettre à cette catégorie d'électeurs de voter le jour du scrutin”, proteste le directeur des libertés publiques et des affaires juridiques au ministère de l'Intérieur, après l'affaire des militaires inscrits en nombre et en retard sur la liste de Tindouf. Beaucoup de précautions ont été prises pour prévenir les reproches en matière de transparence des élections. Mais la Commission nationale de surveillance des élections législatives (Cnsel) semble vouloir montrer qu'elle a rompu avec la complaisance qui caractérisait les anciennes Cnisel, “indépendantes”. Elle vient de faire scandale en reprenant à son compte la dénonciation de ces inscriptions surnuméraires. L'affaire est grave puisqu'elle constitue un acte de manipulation des listes électorales. L'intervention sur les listes électorales, si elle se confirme, autorise à penser que le pouvoir n'a pas renoncé à la pratique de la fraude, comme il le prétend, et que celle-ci a commencé dès l'étape des inscriptions ! Au demeurant, c'est l'occasion pour l'armée, indirectement mise en cause, de montrer qu'elle ne mérite effectivement plus le surnom de “Grande muette” en définissant sa position par rapport à la question posée par l'inscription massive et hors délais de militaires. En attendant, le fait que la Commission de surveillance a pu ainsi relayer l'accusation insistante de Louisa Hanoune montre que, pour l'heure, l'instance n'est pas acquise à l'obligeance habituelle des commissions “indépendantes” dirigées par des personnalités “au-dessus de tout soupçon”, mais qui, le jour des élections,… rentrent chez elles “à vingt-deux heures”. Le manque d'homogénéité parmi les membres de la commission explique peut-être aussi la vigilance de ce début de mission. Les partis-éprouvettes n'étant pas tous associés à l'allocation préalable de quotas de siège, ils n'ont pas encore tous appris à fermer les yeux. Et puis, l'effet habituellement tranquillisant des indemnités n'est plus là. Depuis cette fronde, le pouvoir ne se fait plus avare de “moyens logistiques” nécessaires à la mission de l'instance, histoire de tempérer les exigences de ses membres et de les réduire à des revendications matérielles. Si la cohabitation de la Commission de surveillance et de l'administration prend un mauvais départ, le pouvoir sera contraint de compter sur la part de crédibilité que pourra apporter la commission de supervision, constituée de magistrats. C'est pour cette raison que l'administration répond par des mesures de billets d'avion, de restauration et d'hébergement à une fronde partie d'un constat de manipulation. Mais le mal est fait, le doute qui planait sur la sincérité des listes électorales ayant déjà été aggravé. Mais, en tout état de cause, la Cnsel représente le droit des partis engagés dans les élections à participer à la surveillance du scrutin. Les partis concernés ne peuvent pas s'engager par des candidatures dans un scrutin qu'ils décrédibilisent par leur absence de la Commission de surveillance. Les protestations, ce sera pour après le vote. Trop tard ! Ce sera des chicanes de mauvais perdants. M. H. [email protected]