A l'appel de l'Intersyndicale autonome, des milliers de travailleurs ont battu le pavé hier à Béjaïa pour remettre entre autres la question de la retraite sur le tapis. La manifestation qui a rassemblé près de 10.000 personnes, s'est ébranlée depuis le stade de l'Unité maghrébine, sous la conduite des principaux dirigeants des organisations professionnelles autonomes sous les cris de «L'Intersyndicale plus que jamais présente», «Non à la loi sur la retraite», «Pour l'unité syndicale». De nombreuses figures de la société civile, des partis politiques, des élus locaux et nationaux ont pris également part à cet évènement qui constitue une véritable démonstration de force des travailleurs à l'occasion du 1er-Mai. La marée de manifestants s'est dirigée vers la placette Saïd- Mekbel pour écouter les interventions de quelques représentants de l'Intersyndicale. Meziane Meriane, coordinateur national du Snapest, qui place le 1er-Mai sous le sceau du combat syndical, a appelé les travailleurs à faire de cette fête une journée de protestation pour faire entendre haut et fort la voix des travailleurs. L'ouvrier, rappelle l'intervenant, a consacré tous ses efforts pour l'indépendance de l'Algérie et a planté les jalons de la solidarité pour consolider la justice sociale. Mais, regrette l'orateur, «la marginalisation du travailleur par les pouvoirs publics, le patronat et les tenants du levier financier qui remettent en cause ses acquis et ses droits» a conduit au recul des libertés syndicales et des libertés d'expression. Meziane Mériane débordera ensuite sur la situation sociale en général en insistant sur l'émergence de deux classes sociales composées de pauvres et de riches avec la disparition de la classe moyenne qui devrait constituer, selon lui, «la locomotive de toute l'économie du pays». Sadek Dziri, de l'Unpef, a appelé pour sa part à l'arrêt du harcèlement judiciaire des syndicalistes par les pouvoirs publics lequel n'est pas un signe de bonne santé sociale. «Faisons en sorte que la fête des travailleurs soit un jour de protestation, car le 1er-Mai est d'abord la moisson de ceux qui ont semé, ceux qui nous ont précédé dans la lutte». Les intervenants ont tenu à rappeler par ailleurs que l'Intersyndicale des différents secteurs a installé une commission préparatoire des assises pour une confédération nationale des syndicats autonomes qui défendra la plate-forme de revendications relatives aux dossiers de la retraite, du code du travail et du pouvoir d'achat. A propos de la retraite, Méziane Mériane a révélé au Temps d'Algérie en marge de la manifestation que le dossier est remis aux députés pour une saisine du Conseil constitutionnel. «Nous sommes à 60% de l'étude de ce dossier avec les députés», nous a affirmé le syndicaliste. Déclaration que confirmera par ailleurs de son côté la députée du Parti des travailleurs, Nadia Yefsah. Il est utile de noter enfin, qu'en dépit des assurances des organisateurs concernant la mise sous le boisseau des slogans de chacun des syndicats composant l'Intersyndicale, les travailleurs ont eu droit toutefois à un discours servi en anglais. Un signe qui ne trompe pas quant à la forte implication des islamistes dans l'Intersyndicale. Les syndicats dénoncent une «injustice sociale» Le premier mai, fête internationale des travailleurs, n'a pas été une journée de réjouissance, mais celle de la colère. Des syndicats de plusieurs secteurs ont dénoncé, hier, une violation de la liberté syndicale en Algérie. Le front social est monté au créneau contre la cherté de la vie, le nouveau code du travail et la loi sur la retraite. Cette journée, qui symbolise le combat des forces ouvrières, s'invite cette année non seulement en temps d'austérité, mais aussi en pleine campagne électorale. Plusieurs marches ont été organisées. Certaines ont été autorisées alors que d'autres ont été sévèrement réprimées. C'est le cas de la marche tenue à Oran devant le siège du Syndicat national autonome des personnels de l'administration publique (SNAPAP) par la Confédération générale autonome des travailleurs en Algérie (CGATA), qui regroupe, elle, plusieurs syndicats autonomes. Ce front social appelle à «la préservation des acquis des travailleurs et manifeste frontalement son opposition à la cherté de la vie engendrée par la loi de finances 2017, à l'avant-projet du code du travail et à la loi sur la retraite». Selon le président du SNAPAP, Nabil Ferguenis, la journée du 1er mai était une journée de deuil et non pas une journée de fête pour les travailleurs. «Plusieurs syndicats ont été empêchés d'exprimer leur désarroi face au pouvoir d'achat qui ne cesse de se détériorer», a-t-il déploré. Notre interlocuteur nous confie qu'il y avait un fort dispositif sécuritaire au niveau de la wilaya d'Oran pour réprimer la marche des travailleurs et des syndicats. «Il y'avait même des groupes de policiers au niveau des frontières pour empêcher les bus des syndicats venant de plusieurs wilaya d'accéder à Oran», a-t-il ajouté. Cette situation est selon, Nabil Ferguenis, la preuve directe que la liberté syndicale est bafouée. En dépit de cette massive répression, les syndicats ne vont pas se taire. «Nous continuerons à protester contre le nouveau code du travail qui est une forme de manipulation pour interdire indirectement les partenaires sociaux de faire grève», a-t-il martelé. De son coté, le porte parole du conseil des lycées (CLA), Idir Achour, considère que la sortie des syndicats dans la rue est une manière de se réapproprier ce premier mai comme une journée de lutte et non une journée de fête des travailleurs. 10 000 travailleurs ont, selon lui, tenu une marche, hier, dans la wilaya de Béjaïa pour exprimer leur refus à l'avant projet portant code du travail. Dès sa présentation aux partenaires sociaux, ce texte a fait l'Objet de plusieurs critiques. 40% de ses articles portent atteinte à la liberté syndicale, selon des syndicats relevant de plusieurs secteurs. Idir Achour affirme que l'injustice et la répression que subissent les syndicats sont déjà à leur comble sans l'application de cet avant-projet. Il cite le cas des six journalistes du quotidien privé Liberté qui ont été licenciés à cause de leurs activités syndicales. «Ils ont été virés pour avoir déposé un préavis de grève auprès de leur direction. C'est inadmissible !», Lance notre interlocuteur. Le porte-parole du CLA se dit pessimiste quant à l'avenir de l'activité syndicale en Algérie. «La situation des syndicats se dégrade de jour en jour. Si les pouvoirs publics ne cessent pas leur politique de répression, les choses risquent de dégénérer», a-t-il alerté.