Lundi et mardi prochains, plusieurs secteurs seront touchés par l'appel à la grève de l'intersyndicale. Les syndicats autonomes tentent de s'unifier pour exiger un débat sur le code du travail et la retraite. Il s'agit d'une première étape en attendant de «hausser le ton». Lundi et mardi, grève de l'intersyndicale. Structure de la santé, écoles, administrations publiques, Fonction publique, universités, centres de formation professionnelle sont, sauf surprise, appelés à débrayer. Au total, ils sont 17 syndicats autonomes à avoir appelé à la grève. En détail, dans le secteur de l'éducation : le CLA, Cnapest, Snapest, Unpef, SNTE, Satef et SNCCOPEN ; pour l'enseignement supérieur : le CNES ; pour la santé : le SNPSP (praticiens de la santé publique), le SNPSSP (praticiens spécialistes de la santé publique), Snapsy (psychologues), le SAP (paramédicaux) et le SNVFP (vétérinaires de la fonction publique). Pour les entreprises : SNATEGZ (Sonelgaz), SNTFP (formation professionnelle) et enfin le Snapap (administration publique) ont tous appelé à la grève. Revendication : «La suppression de la retraite anticipée, le pouvoir d'achat et le code du travail.» Meziane Meriane confirme l'appel de son syndicat. De son côté, Nabil Ferguenis, chargé de communication du Snapap, assure : «Les syndicats autonomes, en particulier ceux de l'éducation, de la santé, de la formation professionnelle, de l'administration et de Sonelgaz ont décidé d'entamer une grève pour ce mois d'octobre afin de demander au gouvernement de surseoir à l'application de la décision d'annulation de la retraite anticipée et afin d'être associés à la confection du projet de révision du code du travail.» Même son de cloche du côté du Satef. Selon le secrétaire général, l'intersyndicale a décidé, comme première mesure, d'observer deux jours de grève renouvelable, pour demander au gouvernement de surseoir à l'application de la décision d'annulation de la retraite anticipée. L'intersyndicale revendique aussi, selon la même source, d'être associée à la confection du projet de révision du code du travail. Il est à noter qu'une deuxième grève de rappel est prévue les 24 et 25 du même mois, faute d'une réponse positive de la part du gouvernement. «Nous avons décidé d'organiser deux journées de grève. Elles seront suivies de deux autres journées de grève la semaine suivante. Suite à ça, nous évaluerons les retombées. Nous espérons voir les pouvoirs publics réagir dans le bon sens. S'il n'y a aucun changement, tout le monde est décidé à aller crescendo pour mettre encore plus de pression», soutient Lyes Merabet. Suppression de la retraite anticipée Le projet de loi modifiant et complétant certaines dispositions de la loi n°83-12 du 2 juillet 1983 relative à la retraite, soumis à l'APN, propose l'abrogation des dispositions de retraite sans condition d'âge, instituées par l'article 2 de l'ordonnance du n°97-13 du 31 mai 1997, modifiant et complétant cette loi. Autrement dit, même si un employé cumule 32 ans de service, il ne pourra pas bénéficier de sa retraite avant 60 ans et cela pose problème. A cet effet, Bachir Hakem, porte-parole national du CLA affirme : «La suppression de cette disposition, dite exceptionnelle à l'époque de son instauration, ne fait qu'accroître la colère des syndicalistes qui souhaitent maintenir ce dispositif tel qu'il est. Ils le considèrent comme un droit propre aux travailleurs qui sont les seuls à décider de l'âge de leur départ, au-delà, avant ou après l'âge légal de la retraite (60ans).» Ainsi, pour les formations composant l'intersyndicale, dont des syndicats des secteurs de l'éducation nationale, de la santé, de l'enseignement supérieur, de la formation professionnelle et des affaires religieuses : «Le droit à la retraite proportionnelle est un acquis pour les travailleurs ayant cotisé à la CNAS pendant des années.» Meziane Meriane, quant à lui, estime que «l'annulation de la retraite proportionnelle n'est pas une solution pour renflouer les caisses et qu'il existe d'autres moyens pour le faire.» De leur côté, les autorités campent sur leur position et estiment qu'il n'est plus possible de continuer à laisser partir les gens en retraite avant l'âge de 60 ans. D'ailleurs, le ministre du Travail, de l'Emploi et de la Sécurité sociale, Mohamed El Ghazi, a affirmé que cette loi «confortera les droits des citoyens et garantira les équilibres financiers de la Caisse nationale des retraites (CNR)». De son côté, Nabil Ferguenis, chargé de communication du Snapap affirme : «L'une des raisons de cette protestation est de répondre négativement à la tripartite entérinée par le Conseil des ministres, portant annulation de la retraite anticipée et d'exiger le maintien de la retraite proportionnelle et sans condition d'âge.» Le code du travail En effet, de nombreux syndicats plaident pour la participation à l'élaboration du code du travail. «Cette grève est une continuité logique et riposte envers un gouvernement qui continue à tourner le dos aux syndicats autonomes, qu'il s'est vu forcer d'agréer administrativement, et d'ignorer leur existence. Preuve en est : la tripartite qui n'a jamais associé ces syndicats à ses réunions ni à l'élaboration du nouveau code-suicide du travail.» Si ce code du travail pose autant de problèmes c'est parce qu'il contient quatre chapitres qui n'enchantent pas les syndicats. A cet effet, Bachir Hakem explique : «L'avant-projet de loi portant sur la réforme du code du travail élaboré dans un cadre unilatérale limitera nos droits à l'exercice syndical, nos droits de grève et consacrera la précarité de l'emploi par la généralisation des CDD comme mode de recrutement. Le code prévoit aussi la possibilité à un enfant de plus de 16 ans et à des mineurs de travailler, ce qui n'est pas normal». De son côté, Nabil Ferguinis confie : «C'est un code contre les travailleurs et les syndicalistes. Il ne fait que dans la répression des libertés syndicales et contient beaucoup d injustices et d'anomalies. D'ailleurs, quatre principaux chapitres de ce code du travail nous posent problème, à savoir : les CDD, les conditions et l'organisation et la durée du travail, le licenciement et le travail des enfants à l'âge de 16 ans.» Néanmoins, ce dernier reste perplexe : «Je ne pense pas que la démarche consisterait à modifier certains articles. Ils sont tellement nombreux. C'est toute la philosophie sur laquelle s'appuie cet avant-projet qui est à rejeter. C'est le contraire qu'il faut. Il appartient au gouvernement de justifier tous les articles introduits. La démarche consisterait à refuser tout ce qui tend à renforcer la précarité du CDD (pourquoi 3 renouvellements ? c'est énorme), emploi intérimaire et de sous-traitance. De même pour les horaires de travail, facilités de licenciement, justice de travaille, inspection du travail, droit syndical, droit de grève, négociations collectives, œuvres sociales...» Le pouvoir d'achat En effet, l'intersyndicale insiste particulièrement sur «la protection du pouvoir d'achat et l'augmentation des salaires, afin d'assurer les besoins premiers des travailleurs, en particulier les corps communs et les ouvriers professionnels», confie Nabil Ferguenis. Une revendication exigée par les autres syndicats, notamment le Syndicat national des praticiens de la santé publique (SNPSP). Dans son communiqué, le SNPSP appelle l'ensemble de ses adhérents à participer massivement à la grève cyclique de l'intersyndicale prévue les 17 et 18 octobre et 24 et 25 du même mois. D'ailleurs, la décision de participer à cette action commune a été prise, précise le même document, à l'issue de la réunion extraordinaire du conseil national du syndicat, tenue le 21 septembre, et conformément aux décisions de l'intersyndicale réunie le 24 du même mois au siège du Syndicat algérien des paramédicaux. Mais alors, quel est le réel sens de cette revendication ? Bachir Hakem explique : «Le pouvoir d'achat des travailleurs et de l'éducation a diminué de plus de 50% car au moment où on a une grande inflation, le point indiciaire au niveau de la Fonction publique est resté à 45 DA. Les salaires ont donc stagné, ce qui fait que la paye d'un travailleur de l'éducation ne tient pas plus de 15 jours. Donc pour rattraper un pouvoir d'achat, il faut dans l'immédiat augmenter les salaires d'au moins 50% et delà avoir un point indiciaire à 70 DA. Pour l'avenir, il faut trouver une équation entre le point indiciaire et l'inflation pour contrôler le pouvoir d'achat du travailleur.» De son côté, Nabil explique : «Le travail précaire c'est un travail payé à un salaire minable : ANEM/ADAS. C'est pour cela qu'on plaide pour l'amélioration du pouvoir d'achat, notamment des corps communs et ouvriers professionnels qui ne touchent pas plus de 20 000 DA et cela même après 10 ans de service, ce qui n'est pas normal.» Même si elle ne fait pas partie de la plateforme des revendications générales, le Snapap plaide aussi, via cette grève, pour la régularisation de tous les contractuels. En effet, après les déclarations de Abdelmalek Sellal s'adressant à ceux qui souhaitent partir à la retraite : «Ceux qui souhaitent partir avant la fin de l'année sont libres de le faire», nombreux sont ceux qui ont déposé leurs dossiers. «Suite à cela, la Fonction publique a subi des départs en masse à la retraite, c'est pour cela que notre syndicat encourage la permanisation. En fait, le Snapap est contre la contractualisation», confie Nabil Ferguenis. Perturbation Concrètement, si les travailleurs répondent au mot d'ordre, plusieurs secteurs seront sérieusement perturbés. Dans la santé par exemple, même si dans les CHU, l'arrêt de travail ne se ressent pas, dans les autres structures de la santé, le travail sera arrêté. Car la grève concernera le Syndicat des praticiens médicaux de la santé publique qui regroupe des médecins, des pharmaciens et des dentistes spécialistes et généralistes. Mais, si un malade se rend à l'hôpital le jour de la grève sera-t-il renvoyé ? «L'essentiel de nos adhérents exercent dans des établissements publics tels les EPEP et les EPH. Aux CHU tels que Mustapha Bacha, Maillot ou encore Beni Messous, les patriciens de la santé publique ne sont pas nombreux. La majorité est constituée de confrères hospitalo-universitaires qui ne sont pas concernés par la grève», confie Lyes Merabet. Ce dernier poursuit : «Nos délégués et nos adhérents dans les CHU sont pour l'essentiel dans le SAMU et les services d'urgence, d'hémodialyse. Le jour de la grève, ces derniers assureront un service minimum. Nos collègues paramédicaux seront aussi en grève avec nous.»