Ils sont plus de la moitié de la population à ne compter que sur leur pension pour vivre, avec un montant ne dépassant pas 10 000 DA mensuellement. Il y a tellement de personnes devant les bureaux de poste. Chaque fin de mois, à la poste principale, en face du siège de la wilaya de Sétif, la queue devant les guichets s'étend jusqu'aux escaliers dans la rue. Les employés, qui considèrent les jours du paiement des pensions comme les plus difficiles, éprouvent de la compassion pour ces gens de condition très modeste et tentent de les ménager en travaillant plus vite que d'habitude. On appelle la première cliente. Elle se précipite vers le guichet, présente ses papiers, encaisse son argent, le glisse rapidement au fond de sa poitrine puis quitte le lieu. Elle n'a pas besoin de compter ses sous, c'est seulement quelques billets de 1000 DA qu'elle a préféré prendre en petite monnaie pour avoir cette impression d'avoir touché un peu plus d'argent ou peut-être pour pouvoir les dépenser plus facilement. En vérité, tous les plans et astuces ne suffisent pas à une famille nombreuse pour tenir plus de 10 jours. La pension est toujours la même, alors que les prix augmentent constamment, et même les ordinateurs les plus sophistiqués du monde ne pourront établir un budget pour 30 jours avec 10 000 DA par mois, à moins de faire des petits boulots ou bénéficier de la générosité de personnes charitables. La longue attente Des heures se sont écoulées et la file est toujours longue. Dans ce bureau de poste de la cité Bouaroua, près de 1000 personnes viennent encaisser leur retraite. Des gens pauvres pour qui la vie est un combat au quotidien. On se pose toujours la même question : est-ce que les responsables qui ont évalué ces pensions ont une idée des prix sur le marché et des conditions dans lesquelles vivent ces retraités ? Sont-ils conscients des difficultés que la majorité de ces retraités rencontre quotidiennement ? Combien de temps leur reste-t-il à vivre ? Rappelons que la plupart doivent prendre en charge leurs enfants. Comme disait un vieillard travaillant dans un kiosque, un infirme qui voit loin : «Il faut bien éduquer notre progéniture pour qu'elle ne soit pas analphabète comme nous, contrainte à tendre la main et privée de tout. La fille, ce n'est pas important car elle finira un jour ou l'autre par se marier. Il m'arrive même de ne pas acheter mes médicaments juste pour économiser et réaliser cet objectif, celui de permettre à mes enfants de vivre mieux que moi.» Compter sur la charité ou d'autres activités Le temps passe, mais les gens qui sont dans le besoin savent être patients. Fatalistes, les traits durcis par la fatigue, ils attendent qu'on les appelle pour toucher une pension indispensable à leur survie. Bien sûr qu'ils doivent toucher chaque mois leur pension minable, alors que cette somme devrait être quadruplée pour suffire. Les seuls assurément chanceux sont ceux qui touchent une pension de retraite en euros. Certes, ils se sont sacrifiés durant des années à l'étranger, notamment en France. Mais au moins aujourd'hui ils sont à l'abri du besoin. Les gens du troisième âge sont humiliés. C'est le cauchemar, lorsque la pension ne suffit pas et la personne se voit obligée d'emprunter pour joindre les deux bouts, surtout quand viennent s'ajouter les problèmes de santé, donc d'achats de médicaments. C'est presque l'heure de la fermeture des bureaux de poste et il y a encore beaucoup de gens qui n'ont pas touché leur pension. Ils attendent en face pour éviter la chaleur et le soleil ou debout oubliant la fatigue. Le plus important, c'est d'encaisser pour pouvoir payer les dettes de tout un mois.