Face à la montée des violences dans le milieu universitaire, et afin de débattre de ce phénomène qui ne cesse de prendre de l'ampleur, l'université Mouloud-Mammeri de Tizi Ouzou a organisé, mercredi dernier, une journée d'étude sur la question. Organisé par la direction de l'université avec la participation des principaux partenaires sociaux, à savoir les syndicats des enseignants, des travailleurs et des différents comités d'étudiants, cette journée placée sous le thème «Les violences, des mécanismes déclencheurs aux mécanismes de prémunition», a été marquée par une série de conférences en relation avec le thème, animées par des professeurs et spécialistes en la matière. C'est ainsi que le professeur Messaoudi, doyen de la faculté de médecine, a donné une conférence sur «le suicide, état des lieux et prévention», suivi par le professeur Idir, vice-recteur de l'UMMTO, qui a animé une conférence intitulée «Qu'est-ce que la violence ?». La troisième conférence a été donnée par le docteur Boudarène, psychiatre, sur la violence et les droits de l'homme. Pour les organisateurs, le but de cette rencontre, qui intervient dans un contexte marqué par des actes de violence à travers plusieurs universités du pays, dont le dernier en date est cette agression barbare commise par un groupe d'étudiants contre deux enseignants de l'université de Msila, est de débattre de la violence dans la société, en général, et dans le milieu universitaire, en particulier. Ces débats visent aussi cerner la problématique de la violence sous toutes ses formes dans le milieu universitaire, qui ne cesse de prendre des proportions alarmantes ces dernières années et, surtout, parvenir à l'élaboration d'une charte de l'éthique et de la déontologie qui regroupera les différentes partenaires de l'université (administration, travailleurs, enseignants et étudiants) et qui sera une sorte de base de travail entre les différents acteurs pour «la bonne marche de cette institution dans le respect et la sérénité», affirme le recteur de l'UMMOT, le professeur Ahmed Tessa, dans son discours à l'ouverture des travaux de cette journée. Se vouant franc et direct, le recteur, qui est revenu sur les épisodes malheureux qui ont secoués l'UMMTO ces derniers temps, avec notamment l'assassinat au début de l'année d'un jeune étudiant en pleine nuit à côté du campus de Hasnaoua, et le crime perpétré contre un autre étudiant venu de Laghouat à proximité de l'université de Tamda, a voulu tirer la sonnette d'alarme en affirmant que «la violence est devenue aujourd'hui une question d'actualité et on doit ouvrir le débat sans exclusion, afin de parvenir à mieux cerner cette problématique et, surtout, trouver les solutions pour l'endiguer». Pour le premier responsable de cette université fréquentée par plus de 55 000 étudiants et plus de 2 000 enseignants, le salut passera par l'élaboration d'une charte de déontologie et de l'éthique seule à même d'offrir une base pour la bonne gestion de cette institution, qui est, selon lui, loin de répondre aux standards nationaux, même si, se réjouit-il, sur le plan pédagogique l'UMMTO arrive en tête des universités du pays. «Il ne faut pas se voiler la face. Notre université est loin de rivaliser avec les autres établissements du genre au niveau national en matière de gestion même si on peut se targuer d'être les meilleurs concernant le volet pédagogique, notamment en matière de bourses d'études à l'étranger et la qualité de nos diplômes», affirme le recteur qui est revenu sur l'état critique dans lequel baigne son institution, notamment dans le volet de la gestion administrative. Ahmed Tessa est allé jusqu'à affirmer que la première violence à l'université est causée par certains gestionnaires eux-mêmes, en citant l'exemple des nouveaux bacheliers qui subissent selon lui, une forme de violence dès leurs inscriptions. Pour une charte de l'éthique et de la déontologie «Quand on accueille un nouveau bachelier à travers un guichet pour les inscriptions, on lui fait déjà subir une violence», s'offusque le recteur, qui a révélé qu'une décision a été prise par ses services afin d'ôter tous les barreaudages et autres barricades érigés au niveau des facultés afin de mieux humaniser le milieu. «Lorsqu'on fait attendre un étudiant des semaines pour avoir sa note à l'examen ou on le fait patienter six mois pour se faire délivrer son diplôme, c'est aussi une forme de violence», accuse le recteur, qui a tenu à lancer un avertissement à l'ensemble des fonctionnaires de son administration, notamment les doyens et les responsables des départements, que la modernisation de l'UMMTO est une nécessité absolue avec, notamment, la mise en service du système d'informatisation de l'ensemble des structures de l'université. «Il y a des résistances au sein de l'administration. Certains ne veulent pas voir l'université se moderniser sur le plan de la gestion, mais moi je dirai que celui qui ne veut pas suivre n'a qu'à quitter le navire», menace le recteur, qui a insisté dans son discours sur la nécessité de la mise en place d'une charte pour l'éthique et la déontologie qui sera l'aboutissement d'une concertation entre les différents acteurs de l'UMMTO. De son côté, le syndicat du CNES, partie prenante de cette journée d'étude sur la violence et l'un des acteurs principaux de la future charte pour l'éthique et la déontologie, la succession de vagues de violence qui secoue et tourmente l'université et la société contre ce qu'il qualifie de remparts physiques, éthiques et intellectuels, «ne date pas d'aujourd'hui mais n'a jamais atteint un tel degré», affirme le porte-parole de la section CNES de l'université de Tizi Ouzou, Samy Hassany Ould Ouali. Dans une déclaration rendue publique à l'occasion de cette journée d'étude, le CNESTO rappelle que «si l'origine des vagues de violence qui s'abattent sur l'université algérienne en général, et sur l'UMMTO, en particulier, n'est pas unique», la violence, quant à elle, ajoute le CNESTO, garde toujours le même visage et demeure «l'incarnation des instincts primaires lorsque l'on ne croit plus en l'Etat, car trop affaibli pour nous protéger, ou trop faible pour nous résister, bref, lorsque le contrat social organisant la cité se trouve rompu». C'est pour cela que cette violence ne peut pas, et ne doit pas, être réduite au simple fait divers, ajoute le syndicat. «Elle nous interpelle tous. Cette violence a été semée et délibérément entretenue dans la région depuis près de deux décennies. Elle constitue aujourd'hui un fond de commerce juteux pour les mercenaires et leurs commanditaires», affirme le syndicat, qui reconnaît que cette violence a malheureusement envahi toute l'enceinte universitaire, campus et résidences. Elle porte préjudice aux édifices et perturbe la quiétude estudiantine requise dans les processus de formation à l'œuvre, et en interrompt le cours normal, nonobstant leurs incidences directes et/ou indirectes sur l'environnement socio-économique immédiat, voire lointain des établissements. Devant cette situation, le CNES affirme qu'il n'a pas cessé d'appeler de «tous ses vœux à l'organisation de ce débat, car les violences ne cessent de meurtrir notre société dans les écoles, dans les universités, dans les stades, au sein même des institutions et des administrations, sur les routes...» D'ailleurs, pour le porte-parole de CNESTO, cette journée d'étude sur les violences à l'université de Tizi Ouzou est le prélude pour la maturation du processus de la mise en place d'une charte pour l'éthique et la déontologie, seule à même d'assurer, selon lui, le bon fonctionnement de cette institut