De tous les nouveaux ministres nommés dans le gouvernement deAbdelmadjid Tebboune, ceux qui risquent de se retrouver le plus face au front social sont Mourad Zemali et Mokhtar Hazbellaoui. Les dossiers dont le ministre du Travail, de l'Emploi et de la Sécurité sociale ainsi que celui de la Santé, de la Population et de la Réforme hospitalière ont hérité, sont sensibles. Les projets du code du travail et de loi sanitaire constituent des bombes à retardement que leurs prédécesseurs, Mohamed El Ghazi et Abdelmalek Boudiaf, n'ont pas pu désamorcer. L'intersyndicale autonome de la Fonction publique qui regroupe une quinzaine de syndicats a, certes, pu surseoir à toute action de protestation dans l'immédiat. Mais c'est «wait an see», à en croire les propos de Boualem Amoura, secrétaire général du Satef. Joint hier par nos soins, le syndicaliste redoute «une rentrée sociale explosive». «Si le gouvernement s'entête à exclure les partenaires sociaux des réformes, il risque de faire face à un front social en ébullition dès la rentrée», nous a-t-il déclaré. L'intersyndicale a axé sa plateforme de revendications sur trois points : le retrait de la loi sur la retraite, le code du travail et l'amélioration du pouvoir d'achat. Sur ce dernier point, une journée d'étude sera organisée le 17 juin prochain au siège du Cnapeste. Tandis que pour la réforme de la retraite, «les démarches seront relancées auprès des députés de l'opposition afin de récolter les signatures nécessaires pour saisir le Conseil constitutionnel», selon notre interlocuteur. Du pain sur la planche donc pour le nouveau ministre du Travail. Mourad Zemali devra, outre ce casse-tête de la retraite avec lequel on n'arrive pas à en finir, assurer un passage du prochain code du travail. Un texte très contesté par les partenaires sociaux puisqu'il consacre, d'après eux, «la précarité du travail et la régression sur plusieurs acquis des travailleurs arrachés au prix d'années de luttes». Lors de la cérémonie de passation de pouvoirs, Zemali s'est engagé à poursuivre le travail engagé par ses prédécesseurs «dans le cadre de la stabilité, de la concertation, de la coordination et la coopération avec les partenaires sociaux».Pour le SG du Satef, «c'est déjà bon signe». Seulement, a-t-il enchaîné, «il faut attendre pour voir». Le professeur Hazbellaoui, ministre de la Santé, de la Population et de la Réforme hospitalière, sera exposé aux mêmes difficultés. Le projet de loi sanitaire, à peine atterri au niveau de la précédente APN, a déclenché une levée de boucliers. Des partis de l'opposition et autres syndicats redoutent un recul sur des acquis de longue date, notamment la gratuité des soins. Le nouveau mode de fonctionnement des structures sanitaires ne fait pas non plus l'unanimité. Programmé à deux reprises (en décembre 2016 puis en janvier 2017), le projet a fini par être reportée jusqu'à l'élection de la nouvelle Assemblée. Il devrait être examiné en juin. Comme pour la réforme de la retraite, le texte de 470 articles pourrait déclencher un autre bras de fer entre le ministère et les syndicats. Ces derniers qui n'ont pas été associés à son élaboration se préparent d'ailleurs à toute éventualité. Ceci, sans oublier les problèmes en instance et les engagements pris par Abdelmalek Boudiaf vis-à-vis des praticiens généralistes, des paramédicaux et des médecins spécialistes. Professeur en ORL, l'ancien DG de l'Institut national de santé publique (INSP) a, tout en s'engageant à poursuivre les efforts, appelé l'ensemble des travailleurs à «réunir toutes les conditions favorisant l'avènement d'un nouveau système de santé répondant aux normes de gouvernance modernes». Sera-t-il à la hauteur ? Les prochains jours en diront plus.