L'Université algérienne est en deuil suite à l'assassinat de l'enseignant Karoui Bachir Serhan, à la Faculté de droit et de sciences politiques Djilali-Bounaama de Khemis Miliana, par deux jeunes frères. Un acte largement dénoncé par ses confrères ainsi que par le CNES, qui se disent consternés. Selon les premiers éléments de l'enquête des services de police, ce crime «ne serait pas lié à l'université». Ceci n'a pas empêché le CNES et des enseignants universitaires approchés de tirer la sonnette d'alarme sur cette montée de la violence dans les universités, durant ces deux dernières années. Contactés par nos soins, Abdelmalek Azzi, président du Cnes, ainsi que Mohamed Sibachir, enseignant à l'Université Alger 3, ont vivement condamné cet homicide lié à la violence, un phénomène tout à fait banal en milieu universitaire. Sont-ce réellement des étudiants qui ont commis ce meurtre ? «On ne peut ni confirmer, ni infirmer. C'est aux éléments chargés de l'enquête de déterminer le mobile et l'identité des meurtriers», assurent-ils, avant d'ajouter : «Même si la mort de notre confrère n'a rien à voir avec l'université, nous continuons à œuvrer pour chasser la violence de l'Université algérienne. Pour M. Azzi, ce meurtre n'est qu'un autre trait de la brutalité qui règne dans les milieux universitaires où les agressions et les lynchages sont devenus fréquents, surtout durant ces deux dernières années». Notre interlocuteur lie ce «phénomène à la gestion catastrophique du secteur de l'Enseignement supérieur par le ministre Tahar Hadjar». Il rappelle à ce propos les graves évènements qui ont secoué l'Université d'Alger 3, où des enseignants avaient été violemment agressés par «les agents de sécurité ainsi que des membres d'organisations étudiantes» dit-il, ou encore le cas de l'enseignant de l'Université de M'sila sauvagement battu par des étudiants. Selon lui, ces agissements sont encouragés par la passivité et la complicité de l'administration. Pour mieux comprendre cette agressivité, le président du CNES explique qu'elle est véritablement liée à la «corruption» de l'administration. Il cite ainsi le cas de l'Université de Kouba où des enseignants qui exercent depuis quelques années en Arabie saoudite, continuent de percevoir leurs salaires. Ces actes de brutalité qui ont lieu dans les «Haut lieux du savoir», seraient également liés au manque de pédagogie ainsi qu'à «la non-démocratisation» de l'Université. «On nomme n'importe qui comme responsable, sans aucune référence». Organisation de sit-in aujourd'hui Le président du CNES a dénoncé par la suite tout ce qui se rapporte ou favorise la violence dans l'Université. Il annonce l'organisation d'actions de protestation comme riposte au diktat de ces «voyous». Des sit-in seront tenus aujourd'hui, devant le siège des rectorats des différentes universités du pays. L'enseignant en sciences politiques à la faculté d'Alger 3, Mohamed Sibachir, a de son côté, estimé qu'il y a une pièce manquante que seule l'enquête déterminera. Se disant consterné par le meurtre du Dr Karoui Bachir Serhan, il a indiqué que ceci «reflète le degré de violence de notre société». Un phénomène qui a atteint son «paroxysme», selon lui, et qui risque de devenir incontrôlable. A quoi rime toute cette violence et où va-t-elle nous emmener ? s'est-il interrogé. Pour lui, il est «urgent» que les pouvoirs publics et tous les segments de la société algérienne, prennent conscience que cette violence doit cesser. Afin d'y remédier, il est nécessaire, selon lui, d'assoir un débat pour diagnostiquer ce phénomène banalisé par une certaine «complicité» des pouvoirs publics, acharnés à acheter la paix sociale au lieu de trouver des solutions aux problèmes socioéconomiques et politiques. Pour endiguer cette violence dans les milieux universitaires ainsi que dans notre société, la loi doit être appliquée dans toute sa rigueur, assure-t-il. Ces enseignants agressés… Octobre 2008 Un professeur de l'université de Mostaganem a été assassiné d'une quarantaine de coups de couteaux par un étudiant mécontent de voir celui-ci lui refuser des points supplémentaires. L'étudiant était allé quémander un demi-point qui lui permettrait de clôturer son année, son enseignant le lui avait refusé. L'enseignant gravement atteint a été transporté aux urgences de Mostaganem et finit par décéder des suites de ses graves blessures. Février 2014 Un professeur d'université été agressé à l'arme blanche dans sa chambre à la cité universitaire Attar-Belabbès de Sidi Bel-Abbès. L'enseignant a failli perdre la vie, quand un individu l'a attaqué et a tenté de lui trancher le cou avec un couteau. Les raisons de cette attaque ne sont pas connues. Découvert par un collègue qui partage sa chambre, il a été évacué en urgence aux UMC de l'hôpital Docteur-Hassani, au service chirurgie. Juin 2015 Une altercation verbale avait éclaté entre un étudiant en première année de la faculté des sciences exactes de l'université Abderrahmane-Mira de Vgayet et son enseignant, vice-doyen chargé de la pédagogie de la faculté, autour d'une note d'examen. En colère, l'étudiant asséna un violent coup de poing à son professeur qui tomba à la renverse pour percuter de la tête une barrière en fer forgé. Ayant perdu connaissance et baignant dans une mare de sang, le malheureux a été transporté aux urgences du CHU de Vgayet où on lui prodiguera les soins nécessaires. Décembre 2016 Le 13 décembre 2016, une enseignante, Yekhlef Djamila, de l'université Akli Mohand-Oulhadj, a été agressée par un étudiant. C'est, ensuite, au tour de Hamid Rabah d'être à son tour agressé en plein cours sans que l'agresseur ne soit interpellé et passe en commission de discipline. Février 2017 Des professeurs de l'université d'Alger 3 ont été agressés à l'arme blanche par un groupe de jeunes, alors qu'ils tenaient une réunion pour l'installation d'un bureau du conseil national des enseignants du supérieur (CNES). Le dossier est resté lettre morte. 21 mai 2017 Un enseignant a été victime d'une agression commise par un groupe d'étudiants à l'université de M'Sila. L'enseignant en question, Mohamed Mili, a été victime d'une indigne agression qui peut être classée, s'est indigné, le CNES dans le registre de «tentative d'homicide volontaire», par un groupe d'étudiants à l'enceinte même de l'institut de gestion des techniques urbaines. 1er uin 2017 Des chefs de département et des enseignants de la faculté des sciences de gestion et économiques de Dely-Ibrahim, rattachée à l'université d'Alger 3, ont été agressés ce jour-là par un groupe d'étudiants qui réclamaient leur passage aux classes supérieures sans obtenir la moyenne.