C'est le plus important salon du livre d'Afrique La 22e édition du Salon international du livre d'Alger (SILA) a provoqué beaucoup de polémiques bien avant même son ouverture. Le plus important rendez-vous culturel en Algérie et dans toute l'Afrique ainsi que du monde arabe semble s'enliser dans le désordre, et voit sa réputation écorchée. Contrairement aux éditions précédentes qui se déroulaient dans un climat apaisé et serein, cette nouvelle édition a connu des perturbations bien avant son ouverture, et même pendant. Le premier couac a eu lieu quand le commissaire de ce salon, Hamidou Messaoudi, a fait une déclaration sur un plateau d'une télévision privée concernant un livre qui a été censuré l'année dernière. «Parce que parfois, le mec frappe sa femme, et quand tu la vois après, on dirait qu'un camion lui est rentré dedans. Au moins quand il frappe, qu'il frappe avec un peu de gentillesse», avait -il dit. Des propos qui ont soulevé une grande vague d'indignation. Celui-ci s'est expliqué, dans un communiqué rendu public, qu'il ne fallait pas prendre ses propos au premier degré, puisqu'il les a prononcés sur un ton «d'humour populaire». Un appel au boycott de ce salon a été lancé, accompagné d'une pétition signée par des centaines d'intellectuels et citoyens. La polémique sur les propos misogynes du commissaire du SILA ne s'est pas estampée qu'une autre est déjà lancée. Cette fois-ci, ce sont l'historien Daho Djerbal, ainsi que le sociologue Aïssa Kadri, invités pour une table ronde qui se voient signifier, par téléphone, l'annulation de leur invitation. Les organisateurs reprochent à ces deux universitaires algériens d'avoir signé un appel à une élection présidentielle anticipée sur le quotidien El Watan. L'historien français Olivier Le Cours Grandmaison, spécialiste des questions coloniales, invité à la même table ronde avait fait une déclaration dans laquelle il s'insurge contre cette décision, et annonce son retrait du salon. Ce à quoi le commissaire du SILA a répondu en assumant entièrement son acte. «Jusqu'à preuve du contraire, le Salon international du livre d'Alger est mis sous le haut patronage du président de la République Abdelaziz Bouteflika. Le Président a été démocratiquement élu pour un mandat de cinq ans. À mon avis, quand on n'aime pas une personne, on ne répond pas à son invitation !. C'est un invité de moins», dit-il sèchement. Le stand des éditions Koukou saccagé Le jour de l'ouverture officielle de ce salon, faite par le Premier ministre Ahmed Ouyahia, un autre scandale vient s'ajouter à la liste ouverte des incidents du SILA. En fait, avant même que les membres du gouvernement, présents lors de cette cérémonie ne quittent la SAFEX, Arezki Aït Larbi, journaliste et directeur des éditions Koukou, dénonce le saccage de son stand, et le vol de tables et de deux cartons contenant le dernier livre d'Ali Koudil intitulé Naufrage judiciaire : les dessous de l'affaire CNAN. Joint par téléphone dans l'après-midi d'hier, celui-ci nous informe que «c'est la troisième année consécutive que mon stand est la cible de ce genre de pratiques. J'ai informé le commissariat du SILA, et j'ai déposé plainte au niveau du commissariat de police», déclare-t-il au Temps d'Algérie. Concernant les raisons de cet acte de vandalisme, celui-ci dit qu'il «ne tire aucune conclusion en attendant l'enquête menée par la police», ajoute-t-il encore. Dans la série des censures, c'est l'homme politique algérien de l'opposition, Sofiane Djilali, qui dénonce l'interdiction de son livre intitulé La société algérienne : choc de la modernité, crise des valeurs et des croyances. La censure de ce livre, pourtant disponible dans les librairies en Algérie, fait réagir son auteur qui signale sur son compte Tweeter que son «dernier livre n'a pas été autorisé à être exposé au SILA. Merci M. le commissaire!», écrit-il. La cadence de ces problèmes que les organisateurs auraient pu s'en passer facilement annonce une dégradation avancée de ce rendez-vous, le plus important du genre sur le continent africain et dans le monde arabe. Ces couacs ne sont pas sans écorcher l'image de prestige de ce salon depuis une vingtaine d'années.