Le spécialiste du Melhoun et du Chaâbi Abdelkader Bendamèche Ayant accédé à divers postes de responsabilité dans le domaine de la culture, Abdelkader Bendaamèche explore divers horizons en quête de savoir. Féru de culture et de connaissance, cet auteur, artiste et journaliste, ne cesse d'interroger la parole du terroir. La poésie melhoun constitue une de ses préoccupations. Mise sous le boisseau à une période, elle est revisitée à travers par la tenue de ce festival initié depuis cinq années qui la revivifie et assure sa promotion. Auteur de multiples ouvrages sur cette thématique et sur certains chanteurs, Bendamèche a comme credo de pérenniser ce patrimoine immatériel qui fait partie de notre mémoire collective. Dans cet entretien, il fait un tour d'horizon sur ce genre musical très prisé par certains qui a fait l'objet d'une communication en cette 22e édition du Sila. Le Temps d'Algérie : Pourquoi cette communication sur la poésie melhoun ? Abdelkader Bendameche : La poésie melhoun est, en elle-même, un moyen de communication au sein de la société. Depuis des lustres, elle a constitué, en effet, une sorte de véhicule qui transportait les connaissances de la communauté. Le poète, meddah ou goual a fait de chaque vers ou chaque poésie, l'expression d'un état d'âme, d'une émotion, d'une situation sociale, d'une information ou d'un fait qu'il a vécu personnellement et qu'il rapporte fidèlement aux personnes qui l'écoutent. Le Salon international du livre d'Alger m'a invité à mettre en valeur ce domaine qui m'est très cher, sachant qu'il fait partie de ma culture et de l'environnement dans lequel je suis venu au monde.
Que représente cette poésie ? Est-elle considérée comme une poésie du terroir oranais ? Il y a, certes, un véritable vivier qui se trouve à l'ouest dans l'axe Tlemcen, Sidi Bel-Abbès, Oran, Mascara, Tiaret et Mostaganem, mais il y a d'autres villes qui ont développé ce genre poétique à travers le territoire national. Il s'agit de Biskra, Oued Souf, Laghouat, Constantine, Djelfa, M'Sila à titre non exhaustif. Pourquoi votre engagement pour le melhoun est-il mal connu ou ignoré? Effectivement, c'est une réalité dans notre pays. Cette grande partie de notre patrimoine immatériel a été un peu négligée par les pouvoirs publics depuis le recouvrement de la souveraineté de notre pays, excepté quelques périodes où l'accent a été mis d'une façon concrète à l'endroit de ce riche patrimoine ancestral. Ceci se justifie par la ratification rapide par notre pays de la Convention internationale sur le patrimoine immatériel initiée par l'UNESCO. Mon engagement personnel dans la mise en valeur du patrimoine poétique melhoun vient du fait que j'étais moi-même interprète de chants melhoun durant ma jeunesse. Cette passion vient de cette période au cours de laquelle, j'ai découvert la véritable valeur de ce vaste patrimoine, en visitant l'œuvre du barde Cheikh Sidi Lakhdar Benkhelouf, le prince des poètes du XVIe siècle. L'œuvre poétique melhoun de Lakhdar Benkhelouf est d'accès facile, elle est dite en langue usuelle, celle de tous les jours, celle du commun des êtres humains auxquels s'adresse le poète. Il affirme d'emblée son désir d'être à la portée de la société dont il est issu et à laquelle il s'est voué, sa vie durant.
Avez-vous consacré un ouvrage à cette poésie ? Oui, je l'ai fait en publiant un ouvrage intitulé El Mouhim fi diwan echiir el melhoun paru aux éditions ENAG en 2009. J'ai réalisé, également, une série de 7 recueils dans le cadre du Festival national de la chanson chaâbie de 2006 à 2012. L'œuvre de Sidi Lakhdar Benkhelouf a été depuis toujours mon cheval de bataille. Je lui consacre un ouvrage, en 3 tomes constitué de 167 poèmes en plus de la biographie du poète en arabe et en français. Vous êtes le commissaire général du Festival national de la poésie melhoun, dédié à Sidi Lakhdar Benkhelouf. Parlez-nous de cette manifestation. Ce festival existe dans sa dimension nationale depuis le mois d'août 2013, Il est à sa 5e édition et il met en valeur la poésie melhoun d'une façon générale à travers le territoire national. A ce titre, il a lancé un concours national ainsi qu'une revue culturelle intitulée La lettre du Melhoun algérien qui est à son 7e numéro. Cette manifestation rend des hommages de reconnaissance à des personnalités qui ont œuvré dans ce domaine en qualité d'interprète ou de poète. Elle tient également une journée d'études de niveau universitaire en collaboration avec le CNRPAH d'Alger et l'Université de Mostaganem. Est-ce que les restrictions budgétaires ont influé sur le déroulement de cette manifestation culturelle ? On est obligés de nous conformer aux nouvelles mesures financières émises par le ministère de la Culture, édictées par la conjoncture particulière que vit notre pays, mais nous tenons notre fonctionnement grâce à l'aide et le soutien que nous recevons des sponsors qui nous prêtent, une généreuse assistance. Il s'agit de l'ONDA, de l'ENAG, de l'AARC, de la direction de la culture de la wilaya de Mostaganem, de l'ENTV, de la Radio algérienne, du CNRPAH en plus de celle du ministère de la Culture. Les restrictions budgétaires, en fait, nous indiquent la voie du compter sur soi. Quels sont vos projets ? Je suis sur plusieurs projets, notamment un livre en 3 tomes intitulé Cheikh Sidi Lakhdar Benkhelouf, prince des poètes populaires, deux autres intitulés Cheikh El Hadj Mrizek, l'autre école du chaâbi et El Meqnine Ezzine ou le cri de Cheikh Mohamed El Badji et le quatrieme tome de l'ouvrage sur les grandes figures de l'art musical algérien. Je dois également donner une conférence sur les artistes et la Révolution au Centre culturel algérien à Paris le 9 novembre courant.