Le partenariat économique euro-méditerranéen a besoin d'être repensé et refondé. En deçà des potentialités que présentent les pays appartenant à l'espace méditerranéen, la coopération nord-sud a besoin aujourd'hui de faire sa mue. Comment ? «En plaçant la créativité, l'innovation et l'industrie culturelle au cœur de la future entreprise», ont conclu plusieurs experts de l'UE européenne, de l'ONU ainsi que des chefs d'entreprise de plusieurs pays dont l'Egypte, l'Italie, l'Algérie, la Jordanie. Réunis pendant deux jours à Alger qui a abrité une conférence régionale autour de l'apport des industries créatives et innovantes au développement économique, les nombreux participants ont échangé et débattu sur les meilleurs moyens de donner un nouveau souffle au développement de la Méditerranée. «Les industries créatives gagnent des parts de marché international de plus en plus importantes. Il arrive même, dans certains cas, qu'elles déclassent l'industrie automobile. L'avenir de notre espace commun passe par l'échange du savoir, le partage de l'intelligence et de la richesse mutuellement bénéfique», a affirmé Ali Mokrani, ambassadeur algérien, coordonnateur national de l'Union pour la méditerranée (UPM), au ministère des Affaires étrangères. Intervenant lors d'un panel consacré au partenariat Euro-méditerranéen pour l'industrie, M. Mokrani a déploré que la coopération nord-sud ne profite pas assez des atouts dont disposent les pays du pourtour. Selon lui, l'UE continue d'appliquer une politique exclusive, contraignant, de la sorte, l'émergence d'un véritable partenariat entre le nord et le sud. Si, dit-il, les industries culturelles peuvent constituer une véritable alternative de développement, il n'en reste pas moins que des difficultés sérieuses subsistent pour l'essor des entreprises algériennes, tunisiennes, égyptiennes et jordaniennes. «L'Union européenne ne fait pas assez», regrette-t-il. «Elle continue d'appliquer une politique exclusive fondée sur une approche normative. La méditerranée a beaucoup d'atouts. Tant par sa jeunesse, son facteur humain, que par ses richesses naturelles. Parler de partenariat nord-sud exige d'abord une coopération fondée sur une relation d'égal à égal. Et sur ce plan, l'UE ne semble pas disposée, en tout cas pas assez, à parler d'un partenariat équitable gagnant-gagnant», soutient Ali Mokrani. Il ajoute que les pays du pourtour méditerranéen doivent ouvrir plus d'espaces de visibilité pour les industries d'innovation. Cluster : mode d'emploi Pour Jean-Loui Gigou, président de l'institut de prospective du monde méditerranéen, le futur de l'économie mondiale est dans la constitution des clusters, regroupement géographique de plusieurs entreprises. «Le monde moderne impose des mutations profondes. Les lieux d'intégration ne sont plus nos familles, nos écoles ou nos villes, du moins en occident. L'intégration passe aujourd'hui par l'entreprise. C'est le nouveau lieu de rencontres, de productivité, de création, de pérennité et enfin de richesse», soutient-il, tout en estimant que de nouvelles formes de partenariat entre le nord et le sud sont aujourd'hui possibles. Les clusters constituent de ce point de vue une alternative sûre, de l'avis du président du Think tank méditerranéen. «Ce sont des pôles d'excellence qui peuvent former un véritable pont entre les deux rives de la méditerranée», appuie-t-il. Pour lui, trois éléments fondamentaux doivent être pris en considération dans la constitution de ces clusters. L'espace géographique est pour lui la première condition. Il cite comme exemple l'Italie qui, selon lui, a compris depuis longtemps l'intérêt de composer des pôles de regroupements pour ses entreprises publiques et privées. «Les clusters font la force économique et industrielle de l'Italie», affirme-t-il. Le deuxième facteur de réussite entrepreneuriale réside, d'après Jeans-Louis Gigou, dans la création des filières. Citant l'exemple du groupe industriel Cevital, le président de l'Ipemed a affirmé que la création de filières est un gage de pérennité entrepreneuriale. «Les filières sont la sécurité des entreprises», a-t-il dit. Enfin, M. Gigou parlera de la coproduction. «Troisième élément : la coproduction. C'est à travers la création de partenariat Nord-Sud que la chaîne de valeur progresse. Et parlant de la coopération entre les deux rives de la méditerranée, je suis convaincu que la rive sud peut devenir le Mexique de l'Afrique du nord. Nous avons tant d'atouts pour créer une dynamique d'échange et d'innovation incroyable dans notre espace commun», a conclu le président de l'Ipemed. Karim Benamar