Le cinéma africain a aujourd'hui 50 ans : un demi-siècle, le temps de s'interroger sur son avenir ! M. Brahimi, chargé du colloque déclare : «C'est aussi une ambition, une volonté par laquelle nous choisissons ensemble de penser notre avenir : nous avons voulu un colloque fidèle à cet idéal et donc penser le(s) cinéma(s) d'Afrique ensemble.» «Ces assises, a précisé toujours M. Brahimi, n'ont pas vocation à remplacer d'autres initiatives. Au contraire, c'est une démarche inclusive où tous ceux qui se sentent porteurs d'une partie de notre avenir collectif sont les bienvenus.» En effet, les organisateurs ont fait appel à un large panel d'intervenants. A commencer par Charles Mensah, directeur de l'Office de gestion du cinéma et président de la fédération panafricaine des cinéastes (Crepaci), il sera question de divers expériences en Afrique. M. Teddy Hanmakyugh, directeur du Nigerian Film Institute, parlera de l'expérience nigériane : Nollywood et au-delà de Nollywood l'expérience égyptienne, «Entre la puissance et le doute» sera l'objet de l'intervention de Karim Djameleddine (directeur de Mars Films). Lebone Maema réfléchira sur la montée en puissance de l'Afrique du Sud cinématographique et les questions qu'elle pose... L'interrogation ne portera pas seulement sur des réussites «particulières». Il s'agira dans un premier temps de faire un état des lieux. Serge Toubiana, directeur général de la Cinémathèque française, nous fera part de sa réflexion. En effet, la cinémathèque française a organisé pour le cinquantenaire du cinéma africain (janvier à mars 2008), une rétrospective de près de quatre-vingts films de 25 pays au moment même où le cinéma africain est devenu quasi invisible lors des festivals, faute de salles dans la plupart des pays du continent et de distributeur à l'extérieur. Car comme l'explique l'ancien rédacteur en chef des Cahiers du cinéma, «le cinéma africain à toujours du mal à prendre son essor, même s'il a été brièvement à la mode autour des années 1990». Invité au Mali par S. Cissé, Serge Toubizina a «vu le dénuement absolu dans lequel est plongé le cinéma d'Afrique noire. A quel point son existence est terne et fragile et à quel point il est peu visible». Des débats seront organisés non seulement pour donner la parole à la salle et à tous ceux qui veulent intervenir mais également pour essayer de comprendre sans craindre de susciter peut-être l'ire de tous les acteurs de l'univers du cinéma africain, qu'on devra écouter, pourquoi celui-ci est à ce point en panne. Même si il faudra les mettre en évidence, il y a des expériences encourageantes ici et là. Des initiatives encourageantes, des frémissements en Afrique anglophone, notamment grâce au développement du cinéma numérique, qui peut permettre de faire des films moins chers. Un modèle nouveau de films ultralégers ? Regarder au-delà des promesses les limites d'un processus léger mais fragile ! Le colloque qui se tiendra à Alger les 10 et 11 juillet 2009 interrogera également les praticiens : le producteur qui fait le lien entre le cinéaste, la distribution et les financiers... jeu d'équilibre, délicat partout dans le monde..., mais comment les producteurs africains font-ils face à cette délicate équation ? Plus précisément, la coproduction avec l'étranger – passage souvent obligé – modifie-t-elle le discours des films, au point où ils y perdent leur «sel» ? Questions auxquelles tenteront de répondre Nejib Ayad de Tunisie, Pedro Pomenta, producteur mozambicain, et Boualem Aïssaoui d'Algérie. La question de la production n'est pas seulement abordée du point de vue du réalisateur. Deux sociétés de production sont convoquées pour présenter leur parcours mais aussi leur regard sur les modèles d'avenir pour le cinéma. Il s'agit de la société de production de Abderrahmane Cissako (Chintigui prod) et celle de Danny Glover et Joslyn Bernes (Couverture films) L'expérience des diasporas sera également sollicitée. Après avoir essayé, lors de la première journée du colloque, de dégager les aspects positifs ou négatifs des modèles existants, il s'agira dans la seconde et dernière journée de dessiner les modèles d'avenir que les cinéastes appellent de tous leurs vœux. Aller un peu plus loin et un peu plus dans ces démarches porteuses d'espoir, de renouveau, d'avenir. Il s'agit également de donner une place à part aux «monteurs» de films : exploitants, festivals... «C'est par eux que l'envie du cinéma naît chez le public, chez les futurs cinéastes... Ils ont un rôle unique, stratégique pour notre avenir collectif.» Michel Ouedraogo, nouveau délégué général du Festival panafricain du cinéma de Ouagadougou, sera là pour faire état de l'expérience du Fespaco qui vient de fêter ses quarante ans (1969/2009). D'autres segments essentiels du cinéma sont passés au crible de l'analyse et particulièrement le talon d'Achille de la chaîne : la distribution.Elle est en bout de chaîne, mais elle conditionne tout.«Pas de modèle économique sans modèle de distribution.» Et c'est là que le bât blesse : comment faire exister les films sur le marché national, sur le marché africain ensuite sur les chaînes TV africaines et internationales ? Djihan El Tahri, réalisatrice d'Egypte, et d'autres tenteront d'y répondre. Les transformations profondes que connaît le cinéma sont également l'objet d'interrogations : le numérique d'abord. Pour les salles de cinéma, faut-il garder le 35 mm format universel aujourd'hui ou passer au numérique, l'universel de demain ? Internet ensuite, un monde d'espoir et de menaces pour les cinémas d'Afrique. Est-ce un véritable tremplin pour les talents africains ? La VOD ne duplique-t-elle pas les limites du marché DVD et augmente les risques de piratage ? Elle nécessite des outils puissants de distribution et de marketing pour exister dans la jungle de l'offre.La formation ou plutôt quel type de formation et comment penser la formation de façon qu'elle participe à l'avenir des cinémas d'Afrique, c'est également l'objet de la réflexion des participants au colloque d'Alger. En attendant le résultat des travaux du colloque, le constat est amer. D'abord localement. Il n'y a pas de pôle cinématographique en Afrique noire. Il n'y a pas d'industrie du cinéma à proprement parler. Le montage financier des projets passe nécessairement par l'Europe. C'est un vrai handicap de passer par ce filtre ! Mais par-delà les problèmes locaux, réels, pas de salles, pas de distributeurs, pas de soutien financier, etc., il y a aussi un problème général, planétaire, dans l'univers même du cinéma. Disons pour simplifier, d'un côté le cinéma américain de plus en plus dominant et de l'autre celui du reste du monde avec un rôle central pour la France. Tout ce qui est indépendant est soumis aujourd'hui à une pression énorme, subit la loi d'airain d'un marché en voie de concentration accélérée. On assiste de plus en plus à des sorties massives, rapides, coûteuses, où le public ne peut voir un film qu'en très peu de temps. En quinze jours, la plupart des films ont disparu de l'affiche. On a changé d'époque en 10 ans, avec les multiplexes et cette évolution vers la concentration de toute l'économie du cinéma. La cerise sur le gâteau : les professionnels africains seront particulièrement attentifs à deux communications en fin de colloque. La première portera sur la présentation de l'initiative algérienne d'aide à la coproduction africaine et ses modérations. La seconde concerne la présentation de l'initiative algérienne des assises du cinéma africain en 2010 et d'un agenda pour ces assises, fondées sur les conclusions du colloque et sur le travail des divers intervenants.