L'Algérie se propose d'organiser en 2010 des assises pour le cinéma africain, dont le colloque se veut une plate-forme préparatoire. «Quels modèles d'avenir pour les cinémas d'Afrique?» est le thème d'un colloque international de cinéma devant se tenir durant deux jours à l'hôtel El Aurassi. Il a débuté hier matin en présence de la ministre de la Culture, Khalida Toumi, et a réuni une pléiade de cinéastes africains de différentes nationalités. Dans son allocution d'ouverture, Khalida Toumi s'est félicité de l'organisation de cet événement qu'est le 2e Festival panafricain, affirmant que c'est «une célébration de toutes les cultures et identités de l'Afrique, une expression de toutes ses voix». Elle dira encore en substance: «S'il est un secteur qui a permis de maintenir une image fidèle de l'Afrique, c'est bien le cinéma. Rendant hommage au Fespaco, elle fera remarquer néanmoins que le cinéma africain doit encore trouver ses canaux de diffusion locaux, continentaux ou internationaux.» Le but, dit-elle, de par ce colloque est «non pas de réinventer le cinéma en deux jours mais de jeter les bases d'une discussion qui aura des suites car les actes doivent se joindre à la parole. Le moment est venu de réfléchir à la création d'un fonds de soutien à la coproduction africaine». Aussi, l'Algérie se propose d'organiser en 2010, nous apprend-on, des assises pour le cinéma africain. Un événement qui sera plus approfondi aux plans technique et professionnel. Ce colloque sera ainsi une plate-forme préparatoire pour discuter, échanger des expériences et débattre concrètement des initiatives telles que les fonds pour la coproduction africaine et établir un agenda pour les assisses. Aussi, avant l'entame des communications il a été donc révélé les noms des réalisateurs qui bénéficieront d'une aide à la coproduction du Panaf 2009. Composé de M.Ahmed Bejaoui (président), Zehira Yahi, Mahama Johnson Traore, Charles Mensah, Noureddine Touazi et Mahmoud Ben Mahmoud, le jury a retenu 4 courts métrages et 4 long métrages, à savoir: Bakassa de Auguste Kouemo Yanghu (cameroun), Elle s'amuse de Nadine Otsobogo (Gabon), La petite maman de Thierno Ibrahima Sane (Sénégal) et le Stade de Ala Eddine Slim (Tunisie). Les longs métrages sont: Segoufanga de Mambaye Coulibany (Mali), La bague de mariage de Rahmatou Keita (Niger), Sokho de Marie KA (Sénégal) et Al Ziara ou lune noire de Nawfel Saheb-Ettanba (Tunisie). Par ailleurs, le jury a approuvé la proposition de la chaîne TV5, partenaire du 2e Panaf d'octroyer en son nom deux bourses de réécriture. A cet effet, après délibération le jury a retenu les projets suivants: Le silence de l'aïeul de Mariama Sylla (Sénégal) et La vie est ici de Mweze. D. Ngangura (République Démocratique du Congo) pour la pertinence des sujets traités, au regard du devoir de mémoire et des préoccupations sociales du moment. Pour Charles Mensah, représentant la Fepaci (Gabon), le cinéma africain existe et il est bien représenté dans les festivals mais cela reste insuffisant en raison de la fermeture quasi totale des salles de cinéma en Afrique. «A chaque fois qu'on réalise un bon film, il faut penser à le diffuser dans des festivals. Il faut protéger le circuit de diffusion des salles. Il faut des mécanisme de volontariat politique». Pour sa part, Manthia Diawara, historien (Mali-USA), ex-directeur de l'institut afro-américain, beaucoup de films ont été influencés par la France. Faisant un état des lieux du cinéma africain en général, il révélera que l'Afrique est devenue le premier producteur au monde. Partant de là, le cinéma africain a avancé la question à se poser: «Avons-nous réglé nos problèmes? A quelques exceptions près, du Nord au Sahara, le cinéma n'existe que grâce à la volonté farouche de ses cinéastes, cette nouvelle génération de jeunes cinéastes qui combattent pour pouvoir exister. Il faut savoir repenser notre activité. L'Iran a réussi à s'imposer dans l'espace occidental. Aucun film africain n'est un enjeu politique. Le point de vue africain n'existe pas.» De son côté, Nasheh Moodley (Durban international film festival), d'Afrique du Sud, estime que «nous sommes au bord de l'explosion mais je suis quand même optimisme.» Et de rajouter: Je pense qu'il ne faut pas mettre en opposition cinéma local et cinéma commercial. Ils sont complémentaires. Il y a de la place pour plusieurs cinémas. Nous avons chaque année 40 cinéastes. En résumé, dira le producteur Salem Brahmi, modérateur du débat de cette matinée: «Ce qui nous manque, ce ne sont pas les talents mais l'argent et les circuits de diffusion. Il faut qu'on arrête avec ce paradigme qui dit que celui qui fait le film est celui qui paye.» Pour l'Egyptien Sherif Mandour, «l'acte de produire est très large en Egypte mais sans ambition artistique. Il y a 40 ou 50 ans nous avions de meilleurs films. Aujourd'hui, nous faisons des films uniquement pour le marché local et arabe mais pas pour l'international.» Pour Edward Ossai, de l'institut national du film du Nigeria, représentant de Nollywood, les réalisateurs courent tous après le profit dans une Afrique ensanglantée. «Nous devons articuler notre façon de penser par nous-mêmes, qu'on assure la promotion de notre société et de son histoire. Le cinéma a été démocratisé. Tout le monde peut aller au cinéma et raconter sa propre histoire. Il y a des luttes ethniques qui se déclarent au cinéma au Nigéria. Le vrai problème est le manque d'argent pour refléter le projet nigérian. Il y a aussi le problème de la mauvaise qualité des films. Beaucoup de réalisateurs ne sont pas formés. Nos salles de cinéma sont envahies par les films syriens, libanais et indiens. Nous avons besoin d'une assistance internationale. Il n'y a pas de structures organisées à Nollywood.» Prenant la parole, le producteur sud-africain, Lebone Maema, posera d'emblée une question dans la salle afin d'introduire sa réflexion: «Y a-t-il parmi vous quelqu'un qui a gagné plus de 4 millions de dollars US grâce à son film? Sur les 150 réalisateurs invités, seuls 3 ont levé la main. Cela pour souligner non pas l'absence de cinéma africain mais plutôt son industrie et le manque de recherche pour quantifier la valeur de ces films dans le monde. C'est comme cela que nous pourrons nourrir nos enfants, en racontant nos propres histoires...», avant de clore la conférence.