Attendue par sa famille à l'aéroport de Beyrouth sur un vol en provenance de Téhéran, une universitaire française a été déclarée manquante sur la liste des passagers. Clotilde Reiss n'a pas raté son avion. Elle a été arrêtée par la police iranienne des frontières avant d'être incarcérée. Aurait-elle osé lire les versets sataniques de Selman Rushdie à quelques-uns de ses étudiants ? Sur son chef d'inculpation, il n'est fait mention que de la lourde charge d'espionnage. La pièce à conviction ? Un téléphone portable dont l'enseignante se serait servie pour «immortaliser» des moments forts lors d'une manifestation des pro-Moussavi. Qu'elle ait eu le temps de diffuser les images sur Twitter ou You tube n'y changera pas grand-chose, Clotilde Reiss devra comparaître devant un tribunal tout comme l'un des représentants de la chancellerie britannique à Téhéran. Le Quai d'Orsay a fini par médiatiser l'affaire, les tentatives de libérer l'universitaire de 23 ans par les canaux secrets de la diplomatie n'ayant pas abouti. La détention de la ressortissante française est jugée inadmissible par Bernard Kouchner. La France exige la libération de Clotilde Reiss. Sinon ? Mieux vaut ne pas s'aventurer à menacer les mollahs de nouvelles sanctions, un mot de travers ou de plus et c'est le verdict qui risque d'être précipité. Le régime de Téhéran gérant ses pires crispations depuis la contestation populaire des résultats de la présidentielle. Il est plus sensé de le ménager sans se laisser marcher sur les pieds. La France prudente, solidaire de la Grande-Bretagne, choisit donc de peser ses mots et attend le moment opportun pour les placer. Chrono au poignet, Bernard Kouchner est passé à l'offensive : la lectrice d'Ispahan est «otage» de l'Iran. Et non pas du jeu trouble que se livrent depuis mollahs et Occidentaux. Puisque, à en croire les seconds, dénoncer la tempête de répression qui s'est abattue sur les opposants à Ahmadinejad ne relèverait pas de l'ingérence, mais de la stricte défense des droits de l'homme. La notion type de l'interventionnisme dont le patron du Quai d'Orsay est grand défenseur. A suivre ce raisonnement, Clotilde Ross est victime de représailles de la part de ses «geôliers» qui ont vu un moment leur pouvoir vaciller par la force d'un «déséquilibre démocratique» inavoué que les Occidentaux pratiqueraient via les partisans de Moussavi. La République islamique d'Iran se sentirait-elle plus en sécurité et à l'abri d'un mauvais tour de passe-passe en encellulant les présumés «relais» de l'Occident tant nationaux qu'étrangers ? Il n'y a pas de doute, les incarcérations systématiques vont obliger les autorités de Téhéran à revenir à la période d'avant l'élection du Président Obama, ses promesses de dialogue devant être reportées à une date ultérieure. D'autant que la solidarité avec ses alliés du Vieux continent doivent être de mise dans ces moments difficiles. A moins que la solution à cette «crise des otages» ne vienne rapidement de Moscou où il se trouve actuellement, Obama devra «enterrer» provisoirement son offre de dialogue. Déjà que son différend à ce sujet avec Nicolas Sarkozy n'est pas des moindres. La détention de la lectrice d'Ispahan risque d'être prolongée encore.