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«Avoir une vingtaine de médailles de moins que la tunisie et l'Egypte c'est inquiétant» Abdelaziz Derouaz,ancien ministre de la Jeunesse et des Sports, au Temps d'Algérie :
L'ancien ministre de la jeunesse et des sports, Abdelaziz Derouaz, a bien voulu nous dresser un bilan de la participation algérienne aux derniers jeux méditerranéens de Pescara, mais aussi de la situation qui prévaut actuellement au sein du mouvement sportif national. A l'issue des derniers jeux méditerranéens de Pescara, quels commentaires faites-vous sur le bilan de la participation algérienne ? Un bilan n'a de crédibilité que par rapport à des repères. Ceux qui peuvent être référentiels pour nous sont naturellement les résultats des éditions précédentes, mais surtout les comparaisons objectives à faire avec d'autres nations, à choisir sur la base des critères de moyens, de voisinage ou autres. Je préfère d'ailleurs ce genre de repères, car concernant la comparaison entre les différentes éditions, elle manque de rationalité du fait de la variabilité du niveau de participation des nations européennes d'une édition à une autre. Dès lors, les vraies comparaisons sont à faire entre les nations. Vous pensez donc comparer nos résultats essentiellement à ceux des pays arabes ? Bien entendu, car il ne fait pas de doute que le niveau du développement sportif d'une nation est aussi la résultante du niveau de son développement économique et de sa société de façon générale. Aussi, et dès lors que notre pays est classé parmi les pays en voie de développement, c'est cette catégorie de pays qui nous intéresse et spécialement ceux qui nous sont les plus proches, par référence à d'autres liens qui font que nos populations ont ces affinités qui les font se jalouser entre elles. Cette comparaison nous est préjudiciable, puisque la Tunisie, l'Egypte et le Maroc nous devancent largement au classement... Effectivement, le résultat est sans appel, et c'est une sentence implacable, car ces trois pays nous devancent non seulement au nombre de médailles d'or et d'argent, mais aussi au nombre total de médailles, et de très loin, tandis que nous sommes juste à la hauteur de la Syrie et seulement devant la Libye. Ce qui est à mettre en valeur également pour ces pays, c'est la diversité des disciplines sportives – et dans les deux sexes – récompensées, ce qui prouve que c'est globalement tout leur sport qui se porte mieux que le nôtre. Avoir une vingtaine de médailles de moins que la Tunisie et l'Egypte, c'est pour le moins inquiétant. Des voix se sont élevées pour dire que c'est la crise qui secoue actuellement le comité olympique qui est à l'origine de ces mauvais résultats. qu'en dites-vous ? C'est n'importe quoi. Ce sont ceux-là mêmes qui ont tenu les rênes du mouvement sportif national au sein des fédérations nationales depuis tellement longtemps qui sont derrière ces commentaires absurdes qui ne résistent pas à l'analyse. Les athlètes eux-mêmes, questionnés avant et pendant les jeux, ont déclaré qu'ils ont eu les moyens nécessaires pour se préparer. C'est de la mauvaise foi que d'ériger le COA et le MJS comme seuls responsables de cet échec. Certes, les moyens financiers viennent de l'Etat et donc du MJS, mais ce sont les fédérations qui les utilisent. Il est vrai que ces moyens restent insuffisants, mais pourquoi donc ces dirigeants de fédérations n'en parlent qu'après les compétitions et pourquoi s'accrochent-ils pour rester à la tête de ces institutions, quand bien bien même l'Etat payeur ne veut plus d'eux? Je pense que la majorité des fédérations n'ont pas d'impact réel sur le développement de leurs disciplines. Il ne faut pas perdre de vue, et cela n'est pas propre à notre pays, que les fédérations agissent par délégation du ministère en charge des sports. Vous touchez là à des questions de politique sportive ? Bien entendu, et cela n'a pas varié, si ce n'est que depuis la fin de la réforme sportive, l'action du MJS sur l'organisation sportive et le développement en général s'est allégée, et la responsabilité entière est revenue aux fédérations et leurs démembrements, à savoir les ligues. Et d'ailleurs, sur ce plan-là, chacun est malheureusement libre de faire ce qu'il veut avec ses ligues régionales pour certains et pas pour d'autres. Mais l'essentiel est perdu de vue, à savoir le développement de la pratique sportive. Et c'est dans ce secteur que nous nous sommes considérablement affaiblis, car les Fédérations dans leur majorité, fonctionnent seulement en tant que structures de gestion de compétitions. De là, aucune action réelle ou si peu a été faite en direction du développement, telles la formation des cadres, la détection et la sélection des jeunes talents. Les ligues vivent dans l'indigence faute de moyens financiers, et à leur tour n'ont pas d'impact sur le développement de leur discipline. Le nombre de pratiquants est soit en baisse, soit n'évolue pas et c'est le réservoir de l'élite qui reste faible d'autant que les politiques compensatoires mises en place comme le lycée sportif par exemple sont restées peu efficaces et quasiment à l'état d'expérience. C'est un constat amer, mais nous avions quand même de meilleurs résultats dans le passé, dans des conditions quasiment identiques... C'est exact, mais il faut comprendre que les effets de la désorganisation et de l'appauvrissement en ressources humaines ne peuvent se faire sentir qu'avec le temps. Devant la non implication qui caractérise notre mouvement sportif national, la fuite d'une partie des cadres et la marginalisation des autres, nous sommes en présence d'un appauvrissement continu qui ne s'arrête que par une nouvelle et véritable réforme. Quand vous dites gestionnaires, vous voulez parler seulement des fédérations... Nullement, bien entendu que les ligues et les clubs ont autant de responsabilité. Les ligues pour les mêmes raisons que les fédérations, à savoir que ceux qui les gèrent acceptent de travailler sans les moyens qui leur sont nécessaires, et du coup, ils n'ont aucun impact sur le développement de leur sport dans leur wilaya ou région. Les clubs – car se sont eux qui sont la base et les premiers à ne pas se renouveler – protègent leurs «élus» sans jamais leur demander des comptes. Savez-vous par exemple que la Ligue d'Alger de handball est dirigée par les mêmes personnes depuis 20 ans ?! Et les pouvoirs publics dans tout ça ? Bien entendu qu'ils ont leur part de responsabilité. Je suis mal à l'aise pour émettre un avis critique là-dessus, mais je dirai simplement que cette situation de «ni oui ni non» n'arrange pas les affaires de notre sport. Je veux parler ici de la position du MJS par rapport au mouvement sportif national et du fait que les Fédérations agissent par délégation du MJS. Nous vivons une époque où le monde extérieur veut nous imposer une philosophie qui est certes noble, à savoir l'autonomie du mouvement associatif, mais qui doit se faire progressivement puis naturellement. Cela ne peut en aucun cas résulter de coups de force tels que nous sommes en train de vivre avec le feuilleton COA. Le temps est venu de renforcer de façon volontaire nos fédérations à tous les niveaux, afin de préparer le futur où le mouvement sportif, fort de sa vitalité retrouvée, vivra son autonomie naturellement, car renforcée par un processus démocratique réel, où l'intérêt général primera pour la satisfaction générale. J'ajouterai, concernant les pouvoirs publics, que le financement du sport reste largement en deçà des exigences et des ambitions ; il est largement insuffisant, surtout si l'on doit le comparer à celui des pays auxquels on a fait référence plus haut. Et si on revenait à notre participation aux JM… Certaines choses méritent d'être soulignées : d'abord le fait que la situation de notre sport a obligé les décideurs à renoncer à la participation aux sports collectifs, à l'exception du handball hommes et du volley-ball dames. La médaille d'or de Hamani, fils de Loucif, qu'il convient de saluer, est le pur produit (un de plus) de notre émigration, ce qui est un indicateur sur le potentiel que nous avons en dehors de nos frontières. Un dernier mot... Nous mesurons une nouvelle fois que les JM sont un excellent repère. Cela m'inspire deux commentaires. Le premier, c'est de continuer à mettre tout en œuvre pour le maintien des Jeux, d'autant que nous avons le privilège de présider le CIJM, cela au moment où certains pays européens n' accordent plus le même intérêt à ces joutes pour des questions d'allégement du calendrier de leurs meilleurs sportifs. Le second, c'est de rappeler qu'en 1979, M. Djamel Houhou, alors ministre des sports, avait fixé l'objectif de l'excellence pour les JM de 1983, une feuille de route a été mise en œuvre sur laquelle toutes les fédérations avaient travaillé avec le support du ministre, ses directions et l'ensemble de ses cadres. Une feuille de route qui a inspiré nos voisins tunisiens et qui leur a permis, depuis, de faire décoller leur sport. Bien entendu, ceci n'est pas une analyse exhaustive, mais seulement une réflexion sur des responsabilités occultées et que vous avez involontairement mises en évidence en parlant de ces «voix qui s'élèvent».