L'embuscade tendue vendredi à un convoi de 4 véhicules chargés de drogue, dans la zone frontalière de Oued R'teima, à Béchar, a permis la récupération de 4 tonnes de kif traité, d'un AK 47 et d'un téléphone cellulaire. Ce n'est pas la première fois que les gardes-frontières réalisent pareil coup de filet, et c'est ce qui les inquiète en même temps. La saisie ce week-end par les gardes-frontières de plus de 4 tonnes de kif, d'un téléphone cellulaire et de deux fusils d'assaut AK 47, à Oued Zarzour, aux limites frontalières de Béchar avec le Maroc, renseigne à la fois sur les énormes moyens dont disposent désormais les narcotrafiquants et l'acharnement des services de sécurité à éradiquer le trafic de drogue. Les prises du week-end, on l'imagine, ne sont pas le fruit du hasard. Bien au contraire, elles ont pu aboutir grâce à la surveillance étroite des mouvements suspects le long des frontières et à une maîtrise parfaite du terrain sur lequel évoluent les narcotrafiquants. Dans ces régions semi-désertiques où pratiquement il n'existe pas trace de vie humaine, à l'exception de quelques rares campements nomades, les passeurs de drogue - et d'armes durant la décennie noire - ont de tout temps évolué dans une liberté presque totale, transportant leur cargaison mortelle à dos d'ânes et de mulets, quand ce n'est pas sur des camions et des véhicules tout-terrains. En plus de leurs complicités, les narcotrafiquants comptent sur des moyens de communication de plus en plus sophistiqués et, surtout, sur un armement militaire dont ils ne se gênent pas de faire usage. C'est cette réalité qui a certainement imposé la redéfinition de la stratégie de lutte contre le trafic de drogue dont un contrôle plus rigoureux de la bande frontalière qui s'étend, rappelons-le, de Marsat Ben M'hidi, dans la wilaya de Tlemcen, aux confins nord-ouest de la wilaya de Tindouf. Mais c'est surtout la zone comprise entre Tindouf, Béchar, Aïn Sefra, Mecheria et le sud de la wilaya de Tlemcen qui pose problème, d'abord par sa morphologie géophysique, ensuite par son très faible peuplement, ce qui permet, entre autres, aux trafiquants de tout acabit d'échapper à la vigilance des services des deux pays. On ne peut que se féliciter de l'opération de Oued R'teima qui indique, à bien des égards, que la stratégie adoptée a toutes les chances sinon d'aboutir à moyen terme, du moins à affaiblir les réseaux mafieux qui tentent de faire de l'Algérie un pays par où devra transiter la drogue cultivée en quantité au Maroc. Et ce n'est pas une vue de l'esprit ni une accusation gratuite formulée à l'encontre de nos voisins : il y a 15 jours à peine, les gardes-frontières opérant dans le secteur de Zeghdou avaient réussi à mettre la main sur deux véhicules tout-terrains transportant 3,11 tonnes de kif traité, deux téléphones cellulaires type Thuraya et une paire de jumelles. Leurs occupants, qui ont pris la fuite en direction du territoire marocain, étaient armés, dit-on, de fusils de guerre. Par ailleurs, la guerre déclarée aux narcotrafiquants s'est soldée, durant le premier semestre de l'année en cours, par la saisie de 23 tonnes de kif traité dans les seules wilayas de Béchar et de Tindouf. A cette énorme quantité s'ajoutent les dizaines de quintaux de drogue rejetés par la mer à travers 9 wilayas littorales, essentiellement sur les plages de Aïn Témouchent. Les services de la gendarmerie parlent de la saisie chaque mois de 7 tonnes de drogue, généralement du kif traité en provenance du Maroc. Parfois, il est fait état du démantèlement de plantations dans quelques wilayas du sud, mais la production saisie reste marginale comparée aux quantités fabuleuses en provenance de notre grand voisin de l'ouest. Autrement plus dangereux que le trafic de cigarettes ou d'objets de contrebande, contre lequel la gendarmerie et les services des douanes mènent la guerre, le trafic de drogue peut dégénérer en une véritable industrie du crime tant les intérêts qu'il génère sont considérables.