Le directeur adjoint du Monde diplomatique, Alain Gresh, n'y est pas allé avec le dos de la cuillère pour dénoncer le traitement par les médias occidentaux, notamment français, de tout ce qui est relié à la religion musulmane.Lors de son intervention au troisième jour destravaux du colloque international sur la voie soufie, qui se tient à Mostaganem, M. Gresh regrette qu'en France, il se dégage de plus en plus, à travers ce que diffusent les médias, une vision schématique de l'Islam. Dénonçant le traitement de l'information relative à l'Islam par les médias occidentaux, dû notamment à la rapidité qui caractérise la profession, l'orateur affirme qu'on ne peut pas traiter une question aussi profonde que l'Islam en quelques secondes à la télévision. Evoquant le traitement médiatique de la première guerre du Golfe en 1991, M. Gresh rappelle l'échange entre le journaliste de la télévision française, Bernard Pivot, et Jacques Berque, un grand spécialiste de l'Islam qui a traduit le Coran. «Pivot s'est retourné vers Berque pour lui dire vous avez 30 secondes pour dire aux Français si oui ou non le Coran est une machine de guerre contre eux», se rappelle le conférencier. Selon lui, cette espèce de rapidité et de schématisme détermine quelque chose dans la vision qu'on peut développer de l'Islam. «Quand on parle de l'Islam dans les médias, on en parle comme si c'était un tout homogène et quelque chose qu'on peut comprendre facilement», regrette M. Gresh, en soulignant que les médias oublient la diversité dans l'Islam. «Nous savons qu'à travers 14 siècles d'histoire, il y a des interprétations différentes et des points de vue différents. L'islam c'est aussi 14 siècles d'histoire politique avec les empires, les royaumes et les républiques», explique l'orateur. Les médias oublient, ajoute M. Gresh, que l'Islam est majoritaire dans plus de 50 pays avec des manières de pratiquer, des manières de vivre, des manières de s'habiller et des rapports à la politique qui sont totalement différents. «On entend souvent dire que l'Islam est incompatible avec la démocratie, alors qu'aujourd'hui, dans la majorité des pays musulmans, des élections sont organisées et l'alternance au pouvoir est garantie», souligne M. Gresh. L'Assemblée française ferait mieux de balayer devant sa porte. Evoquant la mise en place par l'Assemblée nationale française d'une commission d'enquête sur la burqa, dans le cadre de la défense du principe de l'égalité entre l'homme et la femme, M. Gresh déclare qu'il est étonnant de se dire qu'aujourd'hui la préoccupation de la société française serait la question de la burqa. «L'Assemblée nationale, censée représenter la population française, qui décide de se saisir de la question de l'égalité entre l'homme et la femme et la burqa, oublie de remarquer tout simplement que dans ses propres rangs il n'y a que 10% de femmes ! Elle est la représentation de l'inégalité entre l'homme et la femme», dénonce l'invité de la tariqa alawiaya. Concernant le phénomène de la violence à l'égard des femmes, M. Gresh regrette que lorsqu'il s'agit d'un Français qui tue sa femme, les médias évoquent «un drame de jalousie», mais dès qu'il s'agit d'un musulman, on lie l'acte criminel à la religion. Enfin, le conférencier regrette que depuis le début des années 1990 et la chute du mur de Berlin, il se développe en Occident une vision de l'Islam comme menace. «Il y a cette idée répandue : le communisme est mort, maintenant nous avons affaire à un nouvel ennemi qui serait l'Islam», déplore l'intervenant.