Le guide de la tariqa alawiya, cheikh Khaled Bentounès, a qualifié, jeudi lors d'une conférence de presse, la polémique qui a suivi la publication de son livre Soufisme, l'héritage commun de stérile, inutile et bête. «C'est indigne de réduire un livre et un colloque international sur la voie soufie à trois dessins et une miniature qui sont exposés dans les plus grands musées du monde», dénonce l'orateur. Et d'ajouter: «C'est vraiment malheureux de ramener un travail de deux ans à cette polémique stérile, inutile et bête». L'auteur du livre s'interroge par ailleurs si ôter les miniatures du livre changera quelque chose aux problématiques que vivent les Algériens. Et de rappeler que la publication des miniatures vise à restituer aux Algériens, aux musulmans et au monde, leur héritage. «Qu'on me prouve que j'ai commis une erreur. Il y a des institutions qui peuvent juger si j'ai lésé le prophète», déclare le conférencier en soulignant qu'il est un des descendants du prophète Mohamed (Qsssl). «Ceux qui me reprochent d'avoir publié les miniatures du prophète sont ceux qui disent que la fête du mawlid, que j'ai instaurée dans les grandes capitales du monde, est une innovation (bid'â)», dénonce M. Bentounes. Regrettant l'absence des Oulémas et des savants de l'islam pour accueillir les délégations étrangères venues au colloque organisé, faut-il le rappeler, sous le haut patronage du président de la République, le conférencier appelle les Algériens à prendre conscience que l'Algérie se trouve devant un dilemme grave. Aujourd'hui, indique M. Bentounes, il faut rétablir une vérité qui est cachée depuis l'indépendance nationale. «Il faut une relecture de l'histoire pour montrer la place de la zaouïa et du tasawouf dans la préservation de notre héritage spirituel, culturel et religieux», déclare l'orateur. Selon lui, les zaouïas ont toujours joué un rôle de gardien d'une mémoire et de l'identité algérienne que «nous avons depuis longtemps essayé d'occulter». Ma rencontre avec le président Bouteflika Revenant sur l'organisation du colloque sur la voie soufie, le chef spirituel de la tariqa alawiya indique qu'avant d'entreprendre cette aventure, il a rencontré le président de la République, Abdelaziz Bouteflika, en juillet 2007, lors d'une visite dans la wilaya de Mostaganem. «J'ai dit à M. Bouteflika que la tariqa alawiya a beaucoup de disciples dans le monde, que la voie de son fondateur, cheikh El Alawi, est étudiée dans les plus grandes universités du monde, alors que dans son pays, il est peu connu. Lorsque je lui ai fait part du vœu d'organiser le centenaire de la tariqa, il a insisté pour que cela se passe à Mostaganem», témoigne M. Bentounes. Par ailleurs, l'orateur déclare que le président Bouteflika se bat sur plusieurs fronts pour garder l'unité du pays et faire que la paix et la concorde règnent dans la société qu'il représente. «Que tous ceux qui aiment ce pays l'aident à faire sortir l'Algérie des années noires de cette folie meurtrière qui a l'a saisi, de cette hypocrisie dans laquelle beaucoup de chez nous vivent encore et pour laisser aux générations futures de l'espérance (...) Ces générations n'ont qu'un objectif : traverser la mer pour aller dans l'eldorado de l'esclavage, parce qu'ici on n'a pas su leur donner l'amour et les moyens de vivre dignement», regrette le conférencier. Le voile est dans la tête ! A la question sur le port du voile par les femmes musulmanes, M. Bentounes regrette que les gens portent le voile dans leur tête. «Je suis plutôt contre le voile qu'on porte dans la tête», précise-t-il. «Alors que la société est dans la détresse totale et qu'elle réclame un ijtihad profond, certains croient qu'en mettant le voile, on règle les problèmes», déplore le conférencier qui rappelle que sa grand-mère qui était chef d'une zaouïa où vivaient 130 personnes, ne portait que le voile de la dignité. «Aujourd'hui, on a fait du voile un instrument idéologique pour avoir un stéréotype de femme modèle», dénonce M. Bentounes. «Ils ont fait du voile une sorte d'examen de conscience : une femme qui ne le porte pas n'est pas musulmane», regrette le chef de la tariqa alawiya. Et de s'interroger : «Est-ce qu'on va interpréter l'islam avec une horizontalité affligeante et destructrice de tout cet héritage pluriel qui contient de toutes ces écoles de pensée philosophique, religieuse et doctrinale?» Des femmes imams, pourquoi pas ? Concernant l'égalité entre l'homme et la femme, M. Bentounes affirme qu'il lutte pour que les femmes, qui sont la moitié de l'humanité, réintègrent leur place et qu'elles soient demain maîtresses de leur destin, sans «suivre comme des chèvres ce que leur dictent les mâles». Citant l'exemple des femmes imams en Chine, une tradition qui date depuis six siècles, l'orateur s'interroge pourquoi cette tradition a disparu chez nous. «C'est une femme qui a fondé l'université El qarawiyine et c'est Lalla Fatma N'soummer qui a lutté contre le colonialisme français», rappelle M. Bentounes. Sur un autre registre, le conférencier dénonce la politique de l'autruche adoptée par les musulmans qui mettent tout sur le dos de l'Occident et des ennemis de l'islam. «Nous somme statiques ; notre société est atteinte de paralysie. Il s'agit aujourd'hui d'interpeller chacun dans son âme et conscience pour dire : au lieu de parler, qu'est-ce que vous proposez ?», indique M. Bentounes, qui souligne que son combat consiste à donner une autre image de l'islam, cet autre visage inconnu et que les musulmans n'arrivent pas faire connaître.