Les non-voyants sont en détresse. Depuis dimanche, ils tiennent un sit-in devant le siège de la centrale syndicale pour crier leur désarroi et réclamer leurs droits. Aucune autorité n'a daigné pour l'heure les écouter. Ils ne veulent pas lâcher prise pour autant. Eux, ce sont les travailleurs de l'établissement public d'insertion des personnes handicapées (EPIH) dont la décision de fermeture a été prise en février 2008. Plus d'une centaine de non-voyants formaient des grappes hier à notre arrivée devant le siège de l'UGTA. Dépités, certains se sont mis à l'ombre pour se protéger du soleil et d'autres attendaient patiemment qu'un responsable de l'UGTA daigne enfin les recevoir. «Nous avons passé la nuit ici, à la belle étoile», nous affirme l'un deux, la cinquantaine passée et de surcroît père de famille. Nous n'avons pas été payés depuis juin dernier, déclare pour sa part Kesri Lakhdar, chargé de l'organique au sein du syndicat national de l'EPIH affilié à l'UGTA avec lequel nous nous sommes entretenus. «Le mois de Ramadhan, l'Aïd et la rentrée scolaire approchent» précise-t-il, réclamant dans un premier temps «qu'ils nous versent au moins les salaires de juillet et d'août pour qu'on puisse y faire face». Forts d'une plateforme de revendications, les travailleurs de l'entreprise qui est, rappelons-le, sous la tutelle du ministère de la solidarité nationale, ne veulent pas lâcher du lest. «Avant une quelconque décision de fermeture ou de dissolution, qu'ils indemnisent les travailleurs», tonne notre interlocuteur. «Ils sont près de 1100 travailleurs répartis sur 27 unités de fabrication à être au chômage forcé», fait remarquer Kesri Lakhdar, qui réclame également en leur nom le payement des allocations familiales et l'application de la grille des salaires de 2004, celle portant augmentation du SNMG à 10 000 dinars, pourtant «caduque», alors qu'on évoque déjà un salaire minimum à 15 000 dinars pour la prochaine rentrée. «Ceci pour permettre au moins aux retraités de l'EPIH de toucher leur pension calculée sur le dernier salaire», explique notre interlocuteur. Les travailleurs de l'ex-Onabros réclament 100 mois d'arriérés de salaires M. Kesri précise par ailleurs que l'établissement qui produisait autrefois 32 000 balais par an est en «arrêt d'activité» depuis février 2008. «Nous avons touché nos salaires jusqu'à juin et puis plus rien», affirme-t-il avec amertume. Il a fait savoir que plusieurs travailleurs n'ont pas perçu leurs arriérés de salaire depuis 67 mois et que d'autres encore vivent des situations précaires depuis 100 mois. Ce sont, indique-t-il, les travailleurs de l'ex-onabros rattachée à l'EPIH juste après la création de cette dernière en décembre 1991. Le syndicaliste qui reconnaît que l'entreprise est en difficulté réclame dans un autre registre «le droit de négociation reconnu par la constitution». Tout en mettant à l'index le ministère de la solidarité, coupable selon lui d'avoir lâché les non-voyants, et «pris des décisions arbitraires», il en appelle au Premier ministre, capable estime-t-il de «trouver une solution aux problèmes que vit notre établissement». Notre interlocuteur propose comme alternative avant toute fermeture définitive de l'établissement l'indemnisation des départs volontaires et des aides pour ceux qui veulent créer leur propre entreprise. «Il y a des dispositifs comme l'Ansej capables de nous prendre en charge», fait-il remarquer dans ce sens, alors que les autres catégories peuvent être prises en charge par la Fonction publique, selon lui. «Il faut trouver une solution à notre situation désastreuse» affirme M. Kesri, visiblement déterminé. «Nous poursuivrons notre action jusqu'à satisfaction de nos revendications» ajoute-t-il. Une délégation des non-voyants devait enfin être reçue par le responsable du contentieux au sein de l'UGTA, tard dans l'après-midi d'hier, nous a fait savoir M. Kesri.