La situation stagne au niveau des concessionnaires automobiles installés en Algérie. Le rush des citoyens constaté il y a quelques jours sur les différents showrooms de marques automobiles a carrément disparu. Les espaces sont presque désertés et les chaises sont vides, dans l'attente de clients à qui les employés vont réserver le meilleur accueil. Ces lieux sont devenus la cible des quelques personnes et familles qui souhaitent et surtout qui ont la capacité de payer cash l'achat d'un véhicule. «Je suis venu pour voir. Je suis en train de faire le tour des concessionnaires automobiles pour avoir une idée sur les prix. Je prendrai une décision une fois que j'aurai fini ma ronde», nous a expliqué un citoyen rencontré au showroom de Sovac, installé à l'ouest d'Alger. La majorité des gens rencontré dans ces lieux d'exposition sont ceux ayant fait des commandes d'achat de véhicules par facilités avant le 31 juillet. Ils continuent de se rendre chez les concessionnaires pour compléter les formalités de réception de leur voiture après que l'accord leur a été donné avant la publication de la loi de finances complémentaire. Paradoxalement à tout ce qui se dit sur la lecture et l'aspect information chez notre population, tous les citoyens que nous avons rencontrés sont au courant de l'annulation du crédit à la consommation, dont celui de l'automobile. «Ça y est, le crédit n'est plus en vigueur. Celui qui veut acheter une voiture doit payer la totalité de la somme.» Une phrase qui renseigne sur l'importance de cette décision et surtout sur l'impact qu'elle a eu sur les citoyens, notamment ceux qui avaient en projet d'acheter une voiture par facilités. Visiter pour avoir une idée des prix «Je suis en train de faire un choix pour acheter une voiture. Les travailleurs du showroom m'ont montré les modèles et les couleurs existants. J'ai déjà essayé certains modèles afin de tranchez définitivement sur le modèle que je vais acheter», nous dira un jeune âgé de 35 ans, venu avec son ami pour acheter une voiture. «Je sais que le crédit est annulé. Ça n'a pas été dans mes projets d'acheter une voiture par facilités, j'ai toujours opté pour l'achat au comptant. Je vais passer commande aujourd'hui et je reviendrai dans les prochains jours pour la prendre», nous a-t-il indiqué. Les autres visiteurs rencontrés sur le même lieu se sont contentés de faire le tour des dizaines de modèles exposés au showroom. Beaucoup de questions sont posées sur les prix, les couleurs et les options que comprend chaque véhicule. Certains visiteurs demandent des renseignements sur certains anciens et nouveaux modèles, ainsi que les promotions proposées, s'il y en a. Selon les informations recueillies sur place, le crédit chez Sovac a été beaucoup sollicité pour l'achat de Polo pour les particuliers. Mais le reste des modèles est en général proposé en contrepartie d'un payement cash ou surtout avec les entreprises qui font des commandes pour des séries de véhicules utilitaires et même touristiques. Mme Idjer, chargée de la communication chez ce concessionnaire, estime qu'il n'y a pas eu un changement révolutionnaire sur les ventes et la fréquentation des lieux. «L'ambiance n'a pas vraiment changé depuis la promulgation de la loi de finances complémentaire. Notre clientèle est la même. Elle continue d'affluer sur notre showroom comme avant. Nous n'avons constaté aucun changement encore», a-t-elle expliqué. Une situation qui s'explique par le fait que les ventes par crédit chez Sovac ont une part minime et même insignifiante par rapport aux ventes cash. Le payement par facilités représente à peine 8% des ventes enregistrées. Véhicule par un crédit aux plus chanceux ! Même ambiance constatée chez Toyota Algérie. La vingtaine de clients qui étaient en attente d'être reçus par les cadres commerciaux sont ceux qui ont fait acquis un crédit chez une banque pour l'achat d'un véhicule. «On dit que je suis chanceux. J'ai formulé ma demande de crédit à la fin du mois de juillet, l'accord m'a été donné le 29 juillet. Là, j'attends la réception de ma voiture», nous a confié un homme, la quarantaine. «Cela a été un véritable hasard, je n'étais pas au courant qu'on allait annuler le crédit à la consommation. Pis encore, je pensais faire un crédit après le Ramadhan pour acheter une voiture. Je me voyais changer d'avis du jour au lendemain. Finalement, c'est bien tombé. Autrement, il m'a été difficile d'acquérir une voiture», a-t-il ajouté. A part cinq ou six qui étaient occupées, le reste des chaises étaient carrément vides. Alors qu'il y a quelques jours, les citoyens ne trouvaient pas où s'asseoir. Ils faisaient la queue debout pour déposer leur dossier et les agents commerciaux ne pouvaient pas reprendre leur souffle tellement la pression du travail était forte. «C'est, comme vous voyez, presque désert. Il y a certains qui demandent des renseignements, d'autres qui finalisent les formalités pour des commandes effectuées auparavant. Les choses ont carrément changé en l'espace de deux semaines», nous a affirmé un client. Les appréciations des gens sur les dispositions de la loi de finances complémentaire sont diverses. Des avis mitigés «C'est une loi qui a porté un coup dure aux concessionnaires. Les ventes vont sérieusement baisser. S'ajoute à l'annulation du crédit, cette décision qui consiste à réceptionner les véhicules dans des ports autre que celui d'Alger. Ce sont des décisions qui occasionneront d'énormes pertes aux concessionnaires qui ont beaucoup investi et surtout créé beaucoup de postes d'emploi, nous dira un citoyen. Un autre estime que cette loi est favorable à l'économie. «Le crédit à la consommation a été à l'origine de beaucoup d'excès. Les gens se sont privés de choses nécessaires pour la famille. Ils ne mangent pas, ne s'habillent pas et ne voyagent pas rien que pour se permettre le luxe d'acheter une voiture. Je pense qu'il faut mettre les pieds sur terre et réfléchir de manière plus sereine et logique sur la vie quotidienne des gens, qui se dégrade à force de penser à satisfaire des choses parfois inutiles», dira un autre. Les autres visiteurs du stand de Toyota discutaient des prix. «Je compte acheter une voiture. Mais là, je vois que les prix sont exorbitants», nous dira un acheteur. «Les prix sont trop chers. Un père de famille ne peut pas acheter une voiture. Même s'ils se mettent à deux pour l'acheter, il sera vraiment difficile de réunir toute la somme avec deux salaires moyens», nous dira une femme accompagnée de son mari, venus choisir un véhicule. Elle semble un peu triste et les traits de la déception se voient quand elle s'approche de la feuille de présentation du véhicule où est mentionné le prix. «C'est franchement trop cher», a-t-elle commenté. Certains diront que la fuite des concessionnaires est due à la saison estivale et à l'approche du mois de Ramadhan. «Les gens sont occupés ailleurs. D'importants projets comme la rentrée sociale, le mois de Ramadhan et autres sont à préparer», nous dira un habitant. Les représentants de banques absents Les bureaux des représentants de banques, dont la mission est de faciliter les procédures des crédits aux citoyens, ont bel et bien quitté les lieux. Leurs bureaux sont vides mais pas définitivement délocalisés… en attendant un miracle. «Il y avait les représentants de la banque Cetelem, mais là, ils sont partis. Il n'a plus de raison d'être depuis que le crédit est supprimé», nous dira un agent à Sovac. La même situation est constatée chez Toyota. «Les trois banques El Baraka, Société Générale et Cetelem ont quitté les lieux au lendemain de la publication de la loi de finances», dit-on. Devant cet état de fait, des rumeurs commencent déjà à circuler. «Il y a la banque BNParibas qui va reprendre le crédit auto. Ce n'est pas encore en vigueur mais l'annonce va se faire de façon officielle bientôt», a-t-on entendu dire. Une rumeur qui redonne de l'espoir à ceux qui l'ont perdu. Contrairement aux showrooms et aux bureaux des cadres commerciaux qui ne sont pas constamment bondés de monde, les autres services après-vente et maintenance sont très prisés par les clients des concessionnaires. Des services qui sont proposés par plusieurs concessionnaires. Ces services semblent être à l'origine de la création d'activités et d'une relation pérenne entre le client et le concessionnaire, en offrant des services très utiles. Nouria Bourihane L'impact connu à la rentrée Depuis l'entrée en vigueur de loi de finances complémentaire, les débats ont tourné autour d'une éventuelle baisse dans le marché de l'automobile. Mis à part les retombées de la période estivale, qui sont coutumières, il demeure que l'activité des concessionnaires reste normale, et le degré de l'impact ne peut être connu qu'après la rentrée. Après presque deux semaines de l'entrée en vigueur de la loi de finances complémentaire 2009, il s'avère que le marché de l'automobile en Algérie connaît une certaine stabilité, puisque si on vient à comparer l'activité dans ce créneau avec la même période lors des années écoulées, il se trouve que l'été 2009 n'a rien à envier aux précédents en matière de ventes automobiles. Pour rappel, la nouvelle loi entrée en vigueur en date du 29 juillet fait état de la suppression de l'octroi par les banques qu'elles soient nationales ou étrangères de tout crédit à la consommation, dont le crédit destiné à l'achat de véhicules par des particuliers. Voulant prendre le pouls sur le degré de répercussion de cette loi sur le marché de l'automobile, il s'avère qu'«il est vraiment trop tôt pour porter un jugement puisque la période estivale est connue par une habituelle baisse ressentie au fur et mesure dans l'activité du marché automobile, du fait que cette époque est connue depuis longtemps pour le déclin du marché quel qu'il soit, puisque les gens s'affairent plutôt à passer leurs vacances et à préparer la rentrée scolaire», déclare M. Oulamara, responsable à la société Elsecom, tout en ajoutant que la coïncidence de la rentrée des classes avec le mois de Ramadhan ne fera que confirmer la chose. Tout en affirmant que malgré une certaine diminution, le degré de l'impact reste toujours loin d'être défini, surtout que les concessionnaires de véhicules continuent toujours à livrer des commandes contre des crédits dont les démarches ont été menées avant l'entrée en vigueur de la nouvelle loi, a bien voulu préciser notre interlocuteur. Même avis avancé par Amine Andaloussi de l'Association des concessionnaires automobiles algériens (AC2A), qui est allé dans la même logique, en affirmant qu'il faut vraiment patienter au moins deux mois pour se prononcer sur les retombées de cette loi sur le marché et émettre le moindre jugement, surtout que les choses ne se préciseront qu'à la reprise.