Les mouvements combinés de l'océan et de l'atmosphère et l'énergie qu'ils échangent entre eux notamment dans les processus d'évaporation et de précipitation reviennent à des échanges de densité entre différentes régions océaniques. L'évaporation (transfert d'eau douce de l'océan à l'atmosphère) augmente la salinité et donc la densité de l'eau de mer. L'atmosphère restituera ailleurs une part de cette eau douce à l'océan sous forme de précipitations avec comme conséquence une diminution de la salinité et donc de la densité. Ce sont les variations de densité qui découlent de ces échanges qui produisent la circulation thermohaline (de thermos = chaud et alos = sel, les deux paramètres qui déterminent la densité de l'eau de mer). Lorsque les eaux de surface deviennent plus denses que les eaux qu'elles surmontent, elles s'enfoncent jusqu'à la profondeur correspondant à leur équilibre hydrostatique. C'est ce phénomène de convection que l'on observe en mer du Groenland dans l'Atlantique nord où les eaux de surface plongent jusqu'à une profondeur de 3500 m environ : ce sont les Eaux profondes nord atlantique (EPNA) qui vont se répandre à travers tout l'océan et remonter progressivement vers la surface, dans le Pacifique nord par exemple pour revenir à leur point de départ en mer du Groenland via les détroits indonésiens, le courant des Aiguilles, le courant de Benguela, le courant Equatorial sud, le Gulf Stream, la dérive nord atlantique et enfin le courant de Norvège. C'est le fameux tapis roulant. Cette circulation thermohaline joue un rôle climatique très important : c'est elle et non le Gulf Stream qui contrôle les transports océaniques de chaleur vers les hautes latitudes dans l'Atlantique nord. La convection en mer du Groenland crée, en effet, un véritable «appel d'eau» dont le flux est d'environ 15 millions de m3 par seconde qui accroissent d'autant les débits du Courant de Norvège, du courant Nord Atlantique et du Gulf Stream et donc la quantité de chaleur qu'ils transportent vers les hautes latitudes. Que la convection en Mer du Groenland et la circulation thermohaline ralentissent fortement ou même s'arrêtent comme ce fut, semble-t-il, le cas en période glaciaire et c'est le flux de chaleur équivalent à ces 15 millions de mètres cubes par seconde qui sont perdus pour l'Atlantique nord faisant craindre alors, compte tenu de ce déficit thermique, l'irruption dans ces régions d'un refroidissement significatif au lieu du réchauffement promis par l'accroissement de l'effet de serre. Mais dans cette hypothèse le Gulf Stream dont le débit dépasse 100 millions de mètres cubes par seconde au Cap Hatteras continue lui sa route sur le bord ouest de l'anticyclone des Açores. La véritable question qui est posée et qu'il est légitime de poser lorsque l'on demande si le Gulf Stream va s'arrêter est alors la suivante : le réchauffement global peut-il conduire à un ralentissement, voire un arrêt de la circulation thermohaline et donc du transport océanique de chaleur correspondant vers les hautes latitudes dans l'Atlantique nord ? Pourquoi l'Atlantique ? Il existe dans l'Antarctique d'autres zones convectives de formation d'eaux profondes mais il n'y en a pas dans le Pacifique nord. Pourquoi cette différence entre l'Atlantique et le Pacifique qui fait que les transports océaniques de chaleur vers le nord sont plus importants dans le premier que dans le second ? Parce que le bilan des «échanges de densité» à travers les processus d'évaporation et de précipitations fait que l'Atlantique, et particulièrement l'Atlantique subtropical nord, est la région océanique la plus salée. Elle est beaucoup plus salée que le Pacifique subtropical nord. Aussi le Gulf Stream amène-t-il vers les moyennes latitudes de l'Atlantique nord des eaux chaudes et très salées qui sont reprises par la branche nord de la dérive nord atlantique et le courant de Norvège qui constituent les bords sud et est de la circulation, cyclonique cette fois (dans le sens inverse des aiguilles d'une montre), associée au système dépressionnaire du Labrador. Dans leur périple, ces eaux salées se refroidissent fortement en gardant toujours une sursalure ; si bien qu'en mer du Groenland, elles atteignent des densités très élevées supérieures à celles des eaux qu'elles surmontent augmentées encore en hiver par la formation de glace qui prélevant de l'eau douce accroît encore la salinité et la densité des eaux de surface. Dans le Pacifique, en dépit d'un schéma de circulation océanique (Kuroshio + circulation cyclonique des Aléoutiennes) analogue à celui de l'Atlantique (Gulf Stream+circulation cyclonique du Labrador), il n'y a pas faute d'une quantité suffisante de sel de convection profonde ce qui n'empêche pas le Kuroshio de bien se porter comme le ferait le Gulf Stream si d'aventure une telle mésaventure se produisait dans l'Atlantique.