Il y a des détenus prêts à se mettre à table car ils estiment que se mettre sous l'aisselle de leurs avocats peut amadouer le juge du jour. Et Radja Bouziani est une juge du siège qui aime surtout les inculpés de grands délits (ici il s'agit de drogue) et donc elle décide sans trop le montrer d'avoir la main légère dans ses décisions. Laïd F. aura été l'acteur de son propre rôle, celui qui avait été pris la drogue à la main et donc il attend de la magistrate qu'elle ait la sienne sur le... cœur. Le détenu pour détention de stups et consommation avait la chance d'être défendu par maître Tayeb Hadjadj face à Radja Bouziani, la présidente du pénal d'El Harrach (cour d'Alger). Le détenu qui devait répondre sans détour à la juge n'avait d'yeux que pour son avocat et Messaoud Kennas, le fougueux procureur qui allait probablement requérir lourdement et sans concession. Sachant à quoi s'en tenir en matière de répression de ce fléau universel.D'emblée, d'ailleurs, Bouziani enfonce son regard profond dans les yeux de l'inculpé qui est presque ébloui par ce regard foudroyant, tout aussi foudroyant que cette question : «Alors, on est prêt à reconnaître le délit ? Le tribunal a tout le temps devant lui mais il sait aussi ne pas trop attendre», articule la juge qui va de suite obtenir le résultat escompté : «oui, Madame la présidente, je plaide coupable. Je regrette d'avoir nié devant la police mais je me suis rattrapé plus tard devant le procureur», crache très vite Laïd F. la trentaine non encore entamée.La présidente semble soulagée de ne pas souffrir face à ce jeune, une autre victime du fléau drogue. N'empêche que reconnaissant ou pas le délit ou plutôt les deux délits (détention et usage de stups) le détenu va avoir les tympans qui vont friser la crevaison en entendant les cinq ans de prison ferme, requis par le représentant du ministère public. Et c'est précisément ce moment fort de l'audience qui va permettre à l'avocat de prendre un élan pour un saut en hauteur et en largeur autour des deux délits. Il estime de suite : «Laïd souffre, car il est à la fois inculpé et victime. Inculpé certes. victime ? c'est sans conteste vrai, car mon client est un drogué qui se soigne. Il n'arrive pas encore à réaliser l'excellente décision de passer par les cures, il s'accroche mais décroche à la première occasion de sniffer. Madame la présidente, je peux même vous apprendre que Laïd fait partie d'une association d'aide aux drogués, c'est aussi un mécanicien émérite», a ajouté le défenseur qui a aussi abordé la personnalité de l'inculpé qui «a eu le mérite de reconnaître les méfaits devant le procureur et vous ici, ce mercredi». De larges circonstances atténuantes sont demandées tout comme dira maître Hadjadj, l'octroi d'une peine de prison assortie de sursis. «Il est en train de tenter de s'en sortir. Aidez-le à le faire en ayant en point de mire que vous n'êtes pas, vous tribunal, une machine à distribuer des peines», a enfin balancé le conseil qui sera plus que satisfait en fin d'audience surtout que son client a eu une peine à la mesure du délit et loin des fâcheuses demandes de Kennas, ce procureur qui interjette systématiquement estimant que les faits sont graves et donc le verdict trop «indulgent». Maître Hadjadj, lui, sourit avec un engouement visible de loin.