En battant le record du monde du 100 m lors des Mondiaux d'athlétisme de Berlin, Usain Bolt a relancé le débat sur les limites des performances humaines. 9.58, cela signifie qu'il a couru, le 16 août, à la vitesse moyenne de 37,57 km/h. D'autant qu'il a récidivé quelques jours plus tard sur 200 m, distance qu'il a courue en 19.19. Sur la finale du 100 m de Berlin, sa vitesse de pointe a été atteinte aux 60 mètres où il a été calculé à 44,64 km/h, alors que sur le 200 m il a été calculé à 37,52 km/h. Absolument effarant. Aucun autre humain connu ne court aussi vite. Il reste cependant bien loin des performances d'autres mammifères comme le guépard, l'animal le plus rapide au monde sur de courtes distances. Il peut atteindre jusqu'à 120 km/h sur 500 mètres mais sur des distances plus longues il est battu par l'antilope qui peut atteindre les 85 km/h sur six kilomètres. Peut-on, avec ce que vient de réaliser Bolt, envisager un 100 m couru en 9 secondes justes ? Dans les normes actuelles, cela paraît impossible. Même le Jamaïcain avec ses 23 ans ne semble pas prêt à un tel défi. Il a pourtant d'énormes qualités, à savoir la puissance physique, la taille, une foulée mesurée à 2,44 m en moyenne (à Berlin, elle a frôlé les 3 mètres) et une extraordinaire aisance à surmonter la pression et le stress lors des grands rendez-vous. Asafa Powell estime d'ailleurs que c'est surtout cette qualité de décontraction qui permet le plus à son compatriote de courir aussi vite tant l'on sait que l'on perd énormément de son jus quand on est sous pression. On a également fait des calculs sur les performances d'un autre phénomène de l'athlétisme, aujourd'hui retraité, à savoir Michael Johnson, détenteur du record du monde du 400 m depuis 1999 et fut de 1996 à 2008 celui du 200 m. Lors de la finale du 200 m des Jeux olympiques d'Atlanta, jour où il avait battu le record du monde, Johnson avait couru les premiers 100 mètres en 10.12 et les deuxièmes 100 mètres (lancés faut-il le préciser) en 9.20. Il avait atteint en la circonstance la moyenne de 39,13 km/h. De tels exploits ne peuvent laisser indifférents et orientent immanquablement les observateurs sur la question de savoir s'ils sont réalisés sur les seules qualités naturelles de l'individu. Il faut bien comprendre que Michael Johnson a eu une assez longue carrière au plus haut niveau, qu'il a subi des dizaines voire des centaines de contrôle et tous se sont avérés négatifs. De son côté, Usain Bolt est toujours en compétition et lui aussi est considéré comme «clean» à ce jour. Est-on cependant allé jusqu'au bout des contrôles ? Autrement dit, a-t-on réellement mis tout en branle pour détecter le moindre indice de dopage ? Dans le contexte actuel, où l'athlétisme business est devenu plus qu'une réalité, la moindre spéculation peut avoir de la valeur. En dehors de ses qualités de coureur, Usain Bolt est un showman de premier ordre. Il représente aux grands sponsors de l'athlétisme un investissement que l'on doit ménager. Il n'est pas certain aujourd'hui qu'un Ben Johnson, star déchue lors des Jeux olympiques de Séoul en 1988, aurait subi la même humiliation s'il avait couru le 16 août en 9.58. Les choses ont énormément changé dans la planète de l'athlétisme, et à Séoul c'était le CIO et non l'IAAF qui dirigeait le contrôle antidopage. Voilà pourquoi des athlètes courent et se battent pour faire tomber des citadelles érigées il y a plusieurs années de cela. Imaginez que les records du monde du 100 m (10.49) et du 200 m féminins (21.34) de l'Américaine Florence Griffith-Joyner (morte depuis dans des conditions suspectes) datent de 1988. Que dire de celui du 400 m féminin (47.60), propriété de l'Allemande (de l'Est à l'époque) Marita Koch depuis 1986, ou des 2,09 m au saut en hauteur féminin que la Bulgare Stefka Kostadinova détient depuis 1987 alors que celui du 800 m féminin (1.53.28) est toujours détenu par la Tchèque Jarmila Kratochvilova depuis 1983 ? Chez les hommes, les records les plus vieux sont les 47.78 sur 400 m haies de l'Américain Kevin Young réalisés aux Jeux olympiques de Barcelone en 1992 sans oublier les 8,95 m au saut en longueur de l'Américain Mike Powell aux Mondiaux de 1991 à Tokyo.