Tout le monde le sait, ceux qui s'en accommodent et font de ce programme aseptisé une source de fierté et une preuve de qualité, comme ceux qui se plaignent de ne pas y trouver ce brin d'insolence et d'irrévérence qui font le sel d'une télé : ce n'est pas tous les jours que l'ENTV et ses appendices osent quelque chose qui puisse sortir ses auditeurs du ronron incolore, inodore et indolore. Et pour une fois qu'un feuilleton chorba, qui n'est pourtant pas un modèle d'irrévérence justement, a tenté d'introduire une note de fraîcheur dans son discours généralement mortel de clichés et de morale à quatre sous, des voix de vierges effarouchées, gauchement patriotardes et vulgairement rédemptrices, s'élèvent pour vilipender le réalisateur comme les comédiens d'une série qui n'ont pas la réputation d'être des brûleurs d'étendard. Dans Djemaï family donc, puisqu'il faut bien en arriver aux faits, le réalisateur a introduit une petite histoire, en fait il s'agit plus de situations éparses que se partagent la dérision et la cocasserie que d'une histoire classique. Mais voilà, le sketch du jour bouscule une première fois les habitudes en désertant le quotidien et aller puiser dans la guerre de libération des situations pourtant bien vraisemblables. De quoi dérouter quelque peu effectivement quand on connaît le terreau traditionnel de cette production, mais la digression est plus une note de fraîcheur qu'une dérive qui sonnerait l'hallali. Ensuite une deuxième fois dans le traitement du sujet : avec beaucoup de décontraction, loin de la factice solennité généralement de rigueur quand il s'agit d'aborder la guerre de libération, le réalisateur n'a pas dérogé à l'esprit de la série. Un père terriblement froussard contrairement à l'idée de héros que s'est toujours faite de lui sa progéniture, un combattant émérite qui s'est révélé traître et vil, une épouse qui rit aux éclats au moment de prononcer le légendaire «Ya Ali mout waqef» et un enfant filou se prenant pour «petit Omar» parce que perspicace, il savait que le Ali la Pointe de la circonstance en était un vulgaire ersatz. Des situations plutôt drôles et un happy end qui ramène tout le monde à la «réalité» d'une… fiction qui n'a jamais eu d'autres prétentions que celle de détendre. On ne sait pas si elle y est parvenue mais on sait que dresser l'échafaud contre ses promoteurs sous prétexte qu'elle a «porté atteinte aux valeurs de la révolution» parce qu'elle a évoqué avec un regard décontracté la guerre est franchement ridicule.