Le mois de ramadhan est synonyme de piété. Il l'est encore plus en matière de solidarité. Des personnes aux moyens appréciables ont ouvert des restos du cœur, plus communément appelés restaurant «errahma». Pour mieux connaître l'ambiance qui y règne, nous nous sommes immiscés parmi les personnes désireuses de rompre le jeûne dans les restos errahma. Nous nous sommes dirigés vers le boulevard Hassiba Ben Bouali pour prendre place dans l'enceinte d'un resto qui est ouvert chaque ramadhan par la Société nationale des transports ferroviaires. Là, à notre grand étonnement, un personnel s'occupant de l'organisation nous a refoulé en prétextant qu'il n'y avait plus de place. Au moins une vingtaine de personnes, tous âges confondus, était à la porte du restaurant. Que nenni, l'agent n'a pas cédé. Pour ne pas être rattrapé par l'adhan du maghrib, nous nous sommes précipités vers un autre restaurant en contrebas du marché Clauzel. Pareillement que le premier, des jeunes se sont vu refouler faute de places, selon un organisateur posté à l'entrée. La frustration des refoulés ne se cachait pas. «Nous cherchons uniquement à rompre le jeûne», s'exclamaient quelques-uns. A 20 minutes de l'adhan 19h10. Une vingtaine de minutes nous séparent de l'adhan d'el maghrib. Nous avons pris la route vers Ben Omar, dans la commune de Kouba. En face de la station de bus, un homme réputé pour sa richesse a ouvert un restaurant errahma. Nous sommes entrés sans aucune entrave. Ayant pris place parmi quelque 500 personnes, tout semble bien organisé dans une salle où l'hygiène ne fait pas défaut. Des gros saladiers remplis de chorba, frik svp, étaient prêts à remplir les bols placés sur table en face de chaque chaise. Un organisateur a donné le coup d'envoi après avoir attendu l'adhan en dehors du garage de la bâtisse où était aménagé le resto. Dans une ambiance bon enfant, les bols se replissaient de chorba. Des salades maison garnissaient en outre les tables, accompagnées de limonade Hamoud Boualem. Après la soupe, le repas consistant se présentait devant les «hôtes» du resto. C'était du mtewem, plat de boulettes de viande hachée et de pois chiches. A vrai dire le plat était très bon, rien à envier au plat maison, à la grande joie des centaines de personnes présentes. Enfin, des carrés de pastèques figuraient également au menu en guise de dessert. Le plus gros lot des personnes se constituait de maçons et de manœuvres travaillant dans les chantiers aux alentours. «Cela me rappelle les plats que préparait echibbaniya», affirme un maçon. Son ami, heureux de trouver ce genre d'endroit, indiquera qu'«heureusement il existe encore des personnes qui pensent à nous». Ce ne sont pas seulement des personnes de cette branche qui étaient présentes. On pouvait trouver des gens de toutes les catégories socioprofessionnelles, comme cet ingénieur, possédant d'un véhicule qui révèle son statut social : «Je n'ai pas pu rentrer chez moi à temps. Je suis passé par hasard par cette route, et en voyant l'affiche mentionnant resto errahma, je me suis garé sans hésiter pour rompre le jeûne, histoire de récupérer des forces.» Sans révéler le montant exact du financement d'une telle opération de bienfaisance, un ancien organisateur estime que les coûts pour mener à bien un resto errahma avoisine les 500 millions de centimes. «En fin de compte, l'initiateur voit ses hassanet multipliées par le Tout-Puissant au nombre de jeûneurs qu'il a nourris. Que Dieu le protège», espère-t-il, heureux.