Dellys a fait partie intégrante de l'histoire ancienne, médiévale et moderne de l'Algérie, comme en témoignent les sources grecques et latines, les écrivains itinérants arabes du Moyen Âge, ou encore un écrit du philologue italien du XVIIIe siècle Joan Baptista Montalbano. Dellys, Addyma pour les anciens, située à 30 milles de la métropole, possède un port qui n'est pas sans commodités et des habitants riches grâce à la bonne qualité des sources pour la teinture du lin et de la laine. Cité punico-libyque, colonie romaine, port ziride, médina hammadite, andalouse, Dellys des Thaâliba, Dellys l'ottomane, Dellys la garnison française, singulière et plurielle, Dellys a su se conjuguer à tous les temps. Sur un petit territoire s'articulant entre mer et montagne et où la nature s'est fait valeur ajoutée, les traces de plusieurs civilisations jonchent le chemin tracé à l'orée du paléolithique, par les tout premiers investisseurs des lieux. Au Moyen Âge, Rusuccuru devint Tadlis, une ville princière fondée par un andalou avec la complicité du Hammadite Ennacir de Béjaïa. La casbah vit alors le jour et exprima par son architecture une forme d'habit assez original. Les riadhs des maisons, qui vont parfois d'un coin à un autre de la casbah, les toitures en tuiles, les kbous des salles principales sont autant de particularités qui donnent à la Tadlis médiévale un cachet architectural bien différent des autres casbahs et un âge sensiblement antérieur à l'époque ottomane. Son nom datant de l'ère arabe (du temps d'Ibn Khaldoun) était Tedelles, un nom ressemblant plus à l'amazigh que le nom actuel Dellys. Tedelles peut être rapproché de Adellas, sorte de plante vivante près des cours d'eau, appelée le dis en français (nom scientifique stipa tenacissima), lui-même déduit de l'appellation romaine adyma.
Une province privilégiée En l'an 646, les musulmans s'emparent du Maghreb. Ibn Khaldoun nous apprend qu'après avoir fait partie du royaume de Bougie,Tedles fut concédée par El Mansour à Moezzeddola Ibn Somadech, souverain d'Almeria, qui vint chercher un asile auprès de lui, quand l'Espagne fut prise par les Almoravides de 1088 (481 de l'hégire) à 1104 (498 de l'hégire). Plus tard, en 1363 (765 de l'hégire), l'émir hafside Abou Abdallah, s'étant rendu maître de Bougie pour la troisième fois, enlève Dellys aux Abdelouadites et y installe une garnison et un gouverneur, mais attaqué à son tour par Abou Hammou, il lui envoie une ambassade et obtient une suspension d'armes moyennant la cession de Dellys et le mariage de sa fille avec Abou Hammou. Il est encore fait mention à cette époque d'un directeur de douane à Dellys, ce qui lui faisait supposer une certaine importance commerciale. Tributaire de l'Espagne, après la crise de Bougie en 1509, Dellys devint un instant le siège du gouvernement de Kheireddine, lorsqu'il partagea la régence d'Alger avec son frère Baba Aroudj (Barberousse). C'est le début de l'ère ottomane. Sous cette ère (1515-1844), la ville de Dellys, comme les villes d'Alger, Blida, Koléa et Cherchell, étaient sous la dépendance directe du dey d'Alger qui siégeait à Dar Essoltane ou domaine de la couronne. C'était la province privilégiée par rapport aux autres provinces telle que Médéa, qui était gouvernée par un bey, on parlait alors de beylek (territoire gouverné par un bey), alors que les districts et cantons appelés El Watan étaient sous les ordres de caïds turcs. Durant cette période, la ville de Dellys, comme les autres villes ottomanes, était habitée par des tribus, fractions et groupes ethniques parmi lesquels on distinguait les rayat ou sujets et les ahl elmakhzen ou gens du gouvernement «guerriers, apanagistes ou propriétaires terriens,» et d'autre part, les alliés et vassaux des Turcs et les indépendants dont les territoires constitués en fiefs plus ou moins héréditaires échappaient au contrôle des Turcs. La famille dellyssienne, qui appartenait à ahl elmakhzen était Dar Hassane et dont la maison, toujours gardée par les héritiers, se situe au 2, rue Sidi Yahya. Famille de descendance ottomane, elle immigra à Dellys vers 1535. Son doyen tenait les clés des portes de Dellys. Un essor économique et agricole sans égal Durant cette période, Dellys connut un essor économique et agricole sans égal : des centaines d'hectares de terre arables de blé, de vigne et de primeurs y poussèrent et dont les surplus étaient exportés vers l'Europe, notamment vers la France. La pêche, elle aussi, a connu un boom suite à l'introduction de nouvelles technologies de construction de bateaux de pêche ainsi que les nouvelles techniques de pêche mais aussi grâce à la construction du premier port moderne de Dellys, communément appelé Port Lekdim, mais qui, malheureusement, n'a pas résisté aux vents de l'est et de l'ouest qui frappaient fort cette région et où le tangage était très fort. A cette période, l'urbanisme, lui aussi, a eu sa part, ceci se manifeste par la construction des deux casbahs (les citadelles), notamment la haute puisque certains historiens disent que la basse casbah existait déjà sous une autre forme. Lesdites constructions, souvent, contenaient un puits ainsi que des égouts d'évacuations d'eaux usées. Afin de se prémunir contre les attaques espagnoles, on construisit une muraille autour de la ville, ce qui a fait de Dellys une ville sécuritaire et explique que plusieurs familles et personnes ont été amenées à immigrer vers Dellys. L'instauration d'un climat sécuritaire à Dellys développa les arts, plusieurs poètes et écrivains y ont émergé. La grande mosquée ou Djamaâ El Kebir est le monument central de la ville. Initialement situé dans la basse casbah, la mosquée fut détruite par les premiers colons français puis reconstruite à l'identique un peu plus haut, en 1847. Malgré sa détérioration, on peut y voir les colonnes qui servaient dans l'ancienne mosquée à la balustrade, le minaret d'architecture maghrébine surmonté d'une tourelle et la maqsoura qui rappelle que Dellys a été un jour dans l'aire d'influence des Fatimides. Sur le plan archéologique, l'une des découvertes les plus spectaculaires est un sarcophage en marbre blanc, actuellement pièce maîtresse du Musée des antiquités d'Alger. Une pièce que son propriétaire, un chrétien du 4e siècle, avait commandée à Rome.