Ce n'est un secret pour personne que le délit d'émission de chèque sans provision est assimilé par le code pénal à de l'escroquerie. Malgré plusieurs aménagements et autres méthodes assouplissantes, nos magistrats continuent de souffrir le martyre. Sihem Bechiri, la présidente de la section correctionnelle de Bir Mourad Raïs a eu à traiter dimanche dernier une drôle d'affaire où la «star» n'était autre que la «mauvaise interprétation des lois» et Salah F. industriel hors du commun n'avait trouvé d'autre défenseur que lui-même.«Il n'y a que ton ongle pour te gratter et tes cils pour pleurer» dit-il d'emblée à la juge. «Inculpé, le tribunal attire votre attention qu'il ne s'agit que de l'émission d'un chèque en bois, fait prévu et puni par l'article 374 du code pénal. Toute autre déviation est d'ores et déjà vouée à l'échec. Allons-y. Que vouliez-vous avouer pour votre défense car le temps presse» marmonne, les yeux mi-clos, la présidente. «Madame la présidente, il s'agit d'un problème de respect de procédure. La date du chèque est 2007. Or, en 2009, le chèque est remis au guichet où on annonce à l'émetteur que le compte n'était pas suffisamment approvisionné. Tenez, madame la présidente, voilà une attestation du bon compte en 2007. Il y a prescription, donc si par hasard l'adversaire qui n'est victime de rien du tout n'aura pas le loisir de demander de quelconques dommages et intérêts !» C'est ce moment que choisira précisément la victime pour demander la parole. Le tribunal marche. Et Ahmed B.S. de soulever une histoire de reconnaissance de dette. «Oui, oui, madame la présidente, je reconnais avoir signé ce document, mais j'étais mis dans une sale position à la suite de pression morale...» Bechiri cherche à aller plus loin : «Mais c'est l'émission de deux chèques qui ressort dans la mise en demeure.» «O.K. madame la présidene, vous n'allez tout de même pas croire que mon adversaire avait été ému et magnanime en ne me réclamant qu'un seul chèque ?» coupe avec beaucoup de prestance l'inculpé. Calme, très calme, la juge se tourne vers le trop calme procureur Mourad Hellal qui réclame un an de prison ferme, une amende du montant du chèque. «Il s'agit d'émission de chèques sans provision. Le reste sont des racontars !» commente froidement le représentant du ministère public. Après une mise en examen, l'inculpé écope d'une peine de prison ferme d'un an et le chapelet de réparations. L'inculpé condamné décide d'interjecter appel.