On a assisté à de nouvelles scènes d'abus avec trois jeunes tués par des soldats guinéens après une manifestation réprimée par les forces de l'ordre, qui ont tué, rappelons-le, 157 opposants et commis des actes barbares. Un chiffre qui pourrait encore s'alourdir car des sources ont accusé les militaires d'avoir ramassé des corps pour dissimuler le véritable bilan. Il y a aussi un fait inédit, «des militaires sont allés enlever les blessés en traitement à l'hôpital Donka (de Conakry) pour les emmener vers une destination inconnue ainsi que des femmes violées qui étaient en traitement au centre de santé communal de Ratoma (banlieue de Conakry)», a déclaré le responsable de l'Organisation guinéenne de défense des droits de l'homme (OGDH), Thierno Maadjou Sow. Les exactions continuent dans les quartiers, selon les habitants, et les militaires tirent sans cesse, pillent des boutiques et frappent les gens. Conakry est devenue mardi «une ville morte» où règne «une psychose liée à la présence des militaires», a déclaré la présidente de la fondation, Chantal Colle, qui s'occupe des jeunes et femmes en difficultés. Les militaires ont publiquement et en pleine journée violé des femmes, selon un un témoin, Abdoulaye Bineta Diallo. «Nous avons des informations très inquiétantes de femmes détenues dans des camps militaires et des commissariats qui sont violées», a déclaré Mamadi Kaba, président de la branche guinéenne de la Rencontre africaine pour la défense des droits de l'homme (Raddho). Le chef de la junte, qui se glorifie d'être arrivé au pouvoir sans violences, a dit être «très désolé». Il s'est rendu mardi dans deux hôpitaux de Conakry pour rencontrer de nombreux blessés hospitalisés après les évènements de lundi, selon des témoins. Un opposant historique, Alpha Condé, à la tête du Rassemblement du peuple de Guinée (RPG), a prévenu que la population manifesterait jusqu'au départ «du pouvoir criminel». Afin de minimiser sa responsabilité dans la sanglante répression de la manifestation survenue à Conakry, le capitaine Moussa Dadis, chef de la junte au pouvoir en Guinée, a affirmé de son côté «ne pas contrôler l'armée». C'est ce qu'il a déclaré hier à la radio française Europe 1. Paris, Washington, Londres, Dakar, l'ONU, l'Union européenne, l'Union africaine, la Communauté économique des Etats d'Afrique de l'Ouest (Cédéao) ont condamné ces violences. L'Alliance pour la démocratie au Mali (Adéma, principal parti politique au Mali, mouvance présidentielle) a réclamé mardi le départ du chef de la junte en Guinée. La France, ex-puissance coloniale, a décidé la suspension immédiate de sa coopération militaire avec la Guinée et réexamine l'ensemble de son aide bilatérale, en attendant la réunion de l'UE visant à examiner les mesures complémentaires qui pourraient être prises rapidement. Par ailleurs, la junte au pouvoir en Guinée a déclaré «mercredi et jeudi» journées de deuil national et a interdit tout regroupement de quelqu nature que ce soit à caractère subversif à la suite de la répression sanglante d'une manifestation de l'opposition.