L'Union européenne avait prévenu, il n'y aura pas un troisième. Finalement, le deuxième a été le bon, les Irlandais ont dit «oui» au traité de Lisbonne, mouture améliorée de la défunte constitution européenne. Un «oui» confortable qui a fait sauter de joie le président Sarkozy, les «non» français et hollandais restant cette pilule amère au travers de la gorge. Avec 67% de votes favorables, les Vingt-sept espèrent pouvoir se remettre à mieux digérer. C'est dire qu'ils ne remercieront jamais assez le gouvernement de Dublin qui a mis les petits plats dans les grands pour que l'Europe puisse avoir demain une meilleure approche des questions internationales d'autant que la prise de décision va être nettement simplifiée. Encore bravo à Brian Cowen, le Premier ministre irlandais qui a réussi avec brio où son prédécesseur s'est vu recaler. Aurait-il suffi au premier de rappeler ses concitoyens aux urnes pour que le «oui» l'emporte haut la main ? Après de belles années de moissons inégalées, la foudroyante crise économique qui s'est abattue sur les vieilles terres celtes a fait des dégâts collatéraux. Indiscutable, elle y est pour beaucoup dans cette victoire. Il aura fallu beaucoup de persévérance aux partisans du «oui» pour que les Irlandais décident enfin d'accrocher leur wagon au train européen. Bien que ce ne soit pas tout à fait l'eldorado, l'Europe des Vingt-sept offrirait mieux que l'immigration à laquelle les Irlandais ont été réduits. Parce qu'en dehors des avantages financiers et économiques promis par l'UE, il est difficile de croire que les Irlandais ont fini par adopter le traité de Lisbonne après s'être longuement penchés sur son contenu. Hormis quelques politiques et certains économistes, il serait une poignée à s'être intéressés au texte européen simplifié, cher à Nicolas Sarkozy et à Angela Merkel. Quant à savoir s'il est socialement valable ou trop libéral, très peu parmi les votants qui sauront répondre correctement. Après tout, c'est un débat purement politique qui intéresserait José Manuel Barroso en prise de bec continuelle avec le leader des verts européens, Daniel Cohn-Bendit. Car, il faut le préciser, ce qui importe le plus aux Irlandais en particulier et aux Européens en général, ce n'est pas de savoir si la lune de miel Otan-Russie va tenir ou si les alliés en Afghanistan vont cesser de faire leur chichi à la demande de Rasmussen. C'est du côté des fourneaux que le référendum s'est joué, les Irlandais voulant à tout prix échapper au syndrome du réfrigérateur vide. La crise sera-telle contagieuse au point que les Tchèques et les Polonais disent eux aussi «oui» sans avoir à emprunter les voies changeantes du référendum populaire ? Avant même la fin du dépouillement des bulletins de vote à Dublin, les principaux dirigeants européens se sont remis à mettre la pression sur la République tchèque et son président eurosceptique, Vaclav Klaus. Bien que le Parlement et le Sénat aient validé le traité de Lisbonne, en attendant le verdict de la Cour constitutionnelle, il maintiendra le suspense jusqu'au bout. De quoi faire fulminer Nicolas Sarkozy qui souhaite vivement que tous ceux qui sont concernés par la ratification qu'ils le fassent avant la fin de l'année, comme les Vingt-sept s'y étaient engagés. Tactiquement louable, la position des Tchèques leur reviendra-t-elle le caddy plein du «supermarché européen» ? A moins que les Polonais ne viennent à leur tour compliquer déjà ce qu'il est au nom de l'équitable partage - la nomination du nouvel exécutif européen est suspendue à l'entrée en application du traité de Lisbonne -, l'Union européenne profitera du vent favorable qui s'est levé en Irlande pour s'affirmer davantage en tant que bloc communautaire, capable de rivaliser avec les grands de ce monde. Un jour, peut-être, l'UE n'aura plus à s'offusquer du fait par exemple que les Etats-Unis et la Chine jouent en solo sans se soucier de sa maturité. Car, paraît-il, le lait déversé par des agriculteurs grévistes a cessé depuis fort longtemps de servir à son allaitement.