Amirouche voulait surtout savoir, en sa qualité de juge du siège, qui prend les décisions sur des preuves, si l'inculpé avait bel et bien tapé la victime au bras. Et malgré la danse du feu entamée par ce vieux renard d'avocat, la présidente a su garder la tête froide, s'accrochant à la seule vérité, car la victime n'était présente qu'à travers ses propres déclarations. Or l'arme secrète du défenseur reste la lecture ou plutôt les lectures que les parties font d'un certificat médical rédigé et signé par un médecin légiste qui ne peut être contredit sauf s'il est poursuivi de faux en écriture. Ce qui ne sera pas le cas de ce procès où on a vu des parties briller par les mouvements... Lorsqu'il y a des coups et blessures volontaires, la preuve pour le juge demeure le certificat médical rédigé par le seul légiste. Dans une envolée, l'avocat de Cherif N. voit que «les déclarations de la victime de coups et blessures volontaires et celles du médecin légiste qui a pour devoir de constater les lésions et de les décrire. Or ce qu'avait déclaré la victime à propos de Fatima Z. ici inculpée, ce sont les coups portés au bras droit, alors que sur le certificat médical, on y lit le bras... droit», avait clamé l'avocat. Effectivement, maître Benouadah Lamouri, brandissant une copie usée du code pénal «dernière édition de 2006», a précisé que «la défense ne mettra jamais en cause le contenu d'un certificat médical qui contient les seules déclarations de la victime que reprend l'urgentiste et soigneusement alignées par le médecin légiste». La magistrate réajuste son foulard et lève la tête en direction de Saâd, l'inculpé. «L'aviez-vous, oui ou non, frappée au bras ?» dit-elle. «Nous nous sommes battus. Il est possible que mon poing ait percuté son avant-bras ou son bras, je ne sais plus, dix jours après les faits», répond l'inculpé. Comme d'habitude, Amirouche qui a le don de savoir écouter ne posera plus de questions mais préférera passer au traditionnel dernier mot que doit prononcer l'inculpé ou son avocat. Et c'est maître Lamouri qui va sauter sur l'occase pour avoir le privilège de dire le dernier mot qui donnera naissance à trente autres. La présidente affiche son plus beau sourire en direction du défenseur qui va vite s'excuser et se retirer en prenant acte de la mise en examen du dossier. Une semaine après, Cherif N. écope d'une peine de prison ferme d'un mois.